Salem
Choisi comme lecture du mois de novembre pour le « Club de Lecture Stephen King » de Flo & Books et Loeil2Luciole et déjà sur ma liste de livres à lire grâce à la vidéo pour « Hallowbooks » de Bookishdreams, j’ai donc parcouru le deuxième roman de l’auteur intitulé Salem. Publié en version originale en 1975, il arriva en France deux ans plus tard. C’est dans la version augmentée et illustrée de 2006, publiée chez J.C. Lattès, que j’ai eu la chance de le parcourir. Cette version contient des scènes coupées, les photographies de Jerry N. Uelsmann et deux nouvelles sur Salem qui furent déjà publiées dans le recueil Danse Macabre (Un Dernier Pour la Route (One For The Road) & Celui qui garde le vers (Jerusalem's Lot)). Alors, après Carrie (1974), que nous vaut l’écriture du tout jeune Stephen King?
Une ambiance glaçante
J’ai voulu lire Salem pour me faire peur à l’époque d’Halloween et je dois dire que sur ce point, même si on est loin d’atteindre la frayeur extrême, j’ai ressenti quelques bons frissons. (Habiter avec une vue sur le cimetière a quand même contribué à l’angoisse). Ce que j’ai particulièrement aimé ici c’est que Stephen King fait écho à nos peurs enfantines, à nos monstres de la culture commune, sans que ça n’en devienne ridicule. Il nous offre, pour ce second roman, une épouvante à l’ancienne, en hommage aux classiques du genre qui y sont d’ailleurs énormément cités, comme Dracula de Bram Stoker. Sans aller au-delà des clichés, mais sans pour autant devenir une vulgaire réédition de vieux classiques, Salem s’ancre dans un imaginaire collectif où chaque code est déjà connu sans pour autant empêcher la peur que ces éléments peuvent nous procurer. L’angoisse se crée par une ambiance maîtrisée de main de maître, faisant écho à nos peurs les plus primaires, comme l’impression d’être observé, que les ombres de la nuit n’ont jamais été aussi menaçantes, que le danger est partout, etc. J’ai réellement eu de bons moments d’angoisse, en particulier sur le début du livre lorsque le danger reste mystérieux et complètement imprévisible. On sursaute de plaisir à la lecture de ce livre et on y verse progressivement nos propres terreurs enfantines comme semble le faire Stephen King à l’écriture. En effet, j’ai ressenti une espèce de parallèle entre l’auteur, les personnages de Ben et de Mark, qui cherchent tous à agir contre leurs peurs d’enfant et à les exorciser. Bien entendu, affronter ses peurs passées c’est aussi avoir peur à nouveau… Alors oui, certes, Stephen King n’invente rien ici, il se contente de piocher à droite et à gauche des éléments de mythes très connus, mais ça n’en reste pas moins une lecture savoureuse qui ravira les amateurs de frissons à l’ancienne.
« Il n’y a pas de thérapie de groupe, pas de cure psychanalytique, pas d’assistance sociale prévue pour le gosse qui doit, nuit après nuit, affronter seul la menace obscure de toutes ces choses qu’on ne voit pas mais qui sont là, prêtes à bondir, sous le lit, dans la cave, partout où l’oeil ne peut percer le noir. L’unique voie de salut, c’est la sclérose de l’imagination, autrement dit le passage à l’âge adulte. »
Une écriture beaucoup plus appronfie
Si je devais comparer au premier roman de King, Carrie, Salem reste dans une lignée similaire en terme de genre et d’ambiance, et les deux romans comportent pas mal de points communs, mais on ressent ici une écriture beaucoup plus travaillée, une histoire plus approfondie et détaillée. Bien que la psychologie des personnages n’est pas encore parfaite, ceux-ci restant caricaturaux mais, de fait, facilement identifiables malgré leur multitude, un travail intéressant à été fait sur l’histoire de chacun. Certains restent quand même beaucoup trop survolés malgré leur importance dans l’histoire (comme Susan, particulièrement sans épaisseur) empêchant un attachement réel à ces derniers. Même si le panel de personnages est assez intéressant dans l’ensemble, celui qui me marque le plus c’est la ville elle-même. Car cette ville de Jerusalem’s lot ou Salem (je reste gênée par l’utilisation de deux noms différents d’ailleurs) est un élément vivant à par entière, avec ses habitudes, son rythme, sa respiration propre en quelque sorte. C’est d’ailleurs d’elle que l’on parle en disant « la ville est morte » et non de ses habitants. Cette ville m’a paru très crédible, presque palpable, comme si elle décrivait une ville bien connue de l’auteur. Pour ce qui est du rythme, je l’ai trouvé lui aussi très maîtrisé. Moi qui me lasse souvent à la lecture de certains King, par les longueurs qu’il impose parfois, je n’ai ici rien ressenti de tel. A noter que si le rythme s’intensifie sur le troisième tiers de l’ouvrage, les actions étant plus nombreuses, cela se fait malheureusement au détriment de l’ambiance angoissante instaurée en première partie. Et pourtant, la menace étant plus réelle, on aurait pu penser que la peur serait plus présente. Or, c’est la visibilité du mal, son identification, qui fait tout retomber. On ne peut plus y verser nos propres peurs et les scènes un peu trop fantasques ou religieuses ont un peu diminué mon intérêt. Mais je reste malgré tout satisfaite de cette lecture!
NB: Si vous n’avez pas lu ce livre, NE LISEZ PAS la phrase suivante, qui évoque la fin. Retrouvez-moi juste après la citation qui suit.
Pour ce qui est de la fin, je la craignais car je suis toujours profondément déçue par les conclusions de King. Ici, heureusement, ce ne fut pas le cas car il n’y a pas réellement de conclusion. En effet, Stephen King nous laisse sur une fin ouverte permettant à nouveau d’impliquer nos propres pensées et nos propres peurs pour conclure cette histoire à notre façon. Je ne suis généralement pas pour les fins ouvertes, que je trouve souvent frustrantes, mais je préfère cela aux fins de King ^_^.
« Et, dans le terrible et lourd silence qui pesait sur la maison, tandis qu’il était là, assis dans son lit, sans pouvoir bouger, le visage enfoui dans ses mains, il entendit un rire d’enfant, un rire cristallin et diabolique…… suivi par des bruits de succion. »
Une édition augmentée et illustrée
Je voulais ajouter quelques mots concernant l’édition que j’ai parcouru. Pour le côté « illustré », même si les photos sont vraiment sympas, on en a quand même que six photos sur plus de 600 pages et c’est un peu léger. Malgré tout, ces images en introduction de partie apportent une petite touche oppressante en plus. Pour ce qui est des nouvelles, je les ai trouvé plutôt chouettes mais après avoir lu le roman cela faisait un peu lourd de retourner à Salem sans y suivre les personnages que nous avions apprécié. Je les relirai surement plus tard à l’occasion, une fois l’histoire du roman un peu oubliée, pour en apprécier un peu plus la saveur. Enfin, un petit conseil pour les scènes coupées qui sont placées à la fin du livre: lisez-les après avoir entièrement lu le roman. En effet, celles-ci réécrivent certaines scènes de Salem et dévoilent parfois beaucoup plus de l’intrigue que le déroulé original du roman. Aussi, si vous parcourez les scènes coupées après chaque chapitre dans lequel elles s’insèrent, vous risquez de lire des éléments qui apparaitront plus tard dans le déroulé du récit. Certaines de ces scènes coupées sont particulièrement intéressantes car elles démontrent certaines orientations que le texte aurait pu prendre au premiers essais du manuscrit. Sachez que cette version augmentée et illustrée existe aussi en poche. Enfin, pour information, ce roman a été adapté par deux fois en films, en 1979 et en 2004. Vous pouvez trouver les bande-annonces après le résumé.
« Un beau jour, on rencontre quelqu’un qui vous tient la main et qui vous aide à traverser le dédale de ces maisons hantées qui ont pavé votre route depuis vos premiers babillages de bébé jusqu’aux ronchonnades de la vieillesse. Jusqu’au jour où… jusqu’au jour où, comme ce soir, on découvrait qu’aucune de ces terreurs n’était morte, mais qu’elles étaient juste enfouies au fond de votre esprit, bien rangées, chacune dans un petit cercueil de la taille d’un enfant, avec une petit rose dessinée sur le couvercle. »
En bref, Salem est un très bon roman de Stephen King, un récit d’épouvante à l’ancienne qui n’invente rien mais fait appel à l’imaginaire collectif et rend hommage aux classiques du genre. On frissonne, on tremble de peur, on savoure tout simplement cette lecture haletante et vraiment sympathique qui fait écho à nos peur enfantines. Une réelle bonne surprise qui me fait apprécier un auteur avec lequel j’ai souvent été déçue :x.
« Le Maine, 1970. Ben Mears revient à Salem, s'installer à Marsten House, inhabitée depuis la mort tragique de ses propriétaires, vingt-ans auparavant. Mais très vite, il devra se rendre à l'évidence : il se passe des choses étranges dans cette petite bourgade. Un chien est immolé, un enfant disparaît et l'horreur s'infiltre, s'étend, se répand, aussi inéluctable que la nuit qui descend sur Salem. »
Pour lire un extrait, cliquez ici.
Bande-annonce du film Les Vampires de Salem (1979) de Tobe Hopper:
Bande-annonce du film Les Vampires de Salem (2004) de Mikael Salomon:
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