Toutes blessent, la dernière tue

Karine Giebel est de retour! Et son nouveau roman, Toutes blessent, la dernière tue, édité chez Belfond, semble faire la quasi-unanimité auprès des lecteurs qui crient au coup de coeur et le comparent à l’excellentissime Meurtres pour rédemption. De quoi me donner sacrément envie de me jeter dessus pour m’y confronter à mon tour. Voici donc ce que j’en ai pensé…

« Maman disait de moi que j’étais un ange.

Un ange tombé du ciel. Un ange tombé de haut. Tombé si bas. 

Ce que maman a oublié de dire, c’est que les anges qui tombent ne se relèvent jamais.  »

Un roman coup de poing

J’ai commencé ce nouveau Karine Giebel sans ne rien savoir à son propos. Je n’avais lu aucune critique et je n’avais pas lu le résumé, et du coup la surprise était totale. Et autant vous dire que, dès le prologue, je me suis pris une énorme claque. Il m’a fallu prendre quelques minutes de pause pour le digérer et surtout pour accepter sa dernière phrase qui m’a provoqué un coup au coeur d’une rare puissance. Et pourtant, rien de sanglant ne se déroule dans cette introduction qui décrit, tout simplement, la situation de départ, mais qui pourtant nous glace les sangs. (Vous pouvez lire ce prologue en cliquant sur le lien en fin de critique). Et autant vous dire que ce n’est que la première d’une longue série de claques que procure le roman. Comme toujours avec Karine Giebel, c’est une histoire violente, difficile, écrite sans concession, parfois très trash et qui n’est pas tendre pour les personnages, ni pour le lecteur. Bref, âmes sensibles s’abstenir. Mais, si c’est indéniablement un bon thriller bien intense et bien violent qui nous donne des coups de poing à répétition, il ne m’aura pas autant marqué que si ça avait été mon premier Karine Giebel en ce sens que le schéma est plus ou moins le même que dans Meurtres pour rédemption et ne procure donc plus l’effet « wahou » de surprise chez moi. Je pense aussi que, si on s’attache irrémédiablement à Tama et qu’on espère pour elle, qu’on tremble pour elle et qu’on dévore son histoire avec une boule au ventre qui ne nous quitte pas sur plus de 700 pages, elle restera moins en tête que Marianne de Meurtres pour rédemption qui était d’autant plus marquante qu’elle n’avait pas l’innocence de Tama et qu’on s’attachait à elle à force de la cotoyer. Il n’empêche que l’empathie pour Tama ici est bel et bien présente et terriblement douloureuse. J’ai souffert avec elle dans ce roman et je ne voulais plus la quitter. 

« A chaque livre, j’ai l’impression qu’une porte s’ouvre quelque part dans ma tête. Les verrous cèdent les uns après les autres. Un livre, c’est comme un voyage, dans l’espace ou le temps. Dans l’âme des hommes, dans la lumière ou les ténèbres. Du coup, les histoires que j’invente sont de plus en plus complexes. 

Je crois que si j’étais privée de livres ça me tuerait.  »

Un thème marquant

Le thème de l’esclavage moderne dans nos sociétés est aussi terrifiant que frappant et l’aborder ici oblige le lecteur à y faire face. Karine Giebel en profite pour interroger les questions de lâcheté et de responsabilité des témoins qui ne signalent pas l’horreur. Elle met également en avant la tendance vicieuse des hommes en position de supériorité sur un autre être humain comme elle le faisait avec les matons dans Meurtres pour rédemption. C’est un thème qui, personnellement, m’intéresse énormément et que j’ai beaucoup étudié lors de mes études en psychologie (je vous conseille de vous renseigner sur l’expérience de Stanford si ça vous intéresse, vous verrez c’est frappant!). Et en plus, Karine Giebel ne fait pas l’erreur de tomber dans le travers du manichéisme puisque tous les personnages en position de pouvoir ne réagissent pas de la même manière, ni avec la même intensité. C’est absolument passionnant. Et de fait, le roman, malgré sa taille de 740 pages se dévore sans peine en un rien de temps. Entre la plume ultra fluide, les chapitres ultra courts et l’alternance entre deux histoires, celle de Tama et celle de Gabriel, il est difficile de reposer le livre. Cependant, j’ai été un peu moins captivée par les passages de Gabriel (bien que vers la fin la tendance s’inverse) et quelques répétitions créent un peu de longueur dans le milieu du roman. Mais honnêtement, c’est pour chipoter que je vous dis ça parce que dévorer cette brique en 3 jours avec des journées de 10h de travail ça prouve que ce n’était pas si gênant. Un seul élément m’a un peu embêté côté style, c’est l’alternance entre une narration interne et externe d’un paragraphe à l’autre sans qu’elle ne soit tout à fait justifiée et qui m’a un peu déstabilisé.

En bref, j’ai absolument adoré me confronter à nouveau au style ultra violent de Karine Giebel. Toutes blessent, la dernière tue est une histoire terrible qui se dévore avec la boule au ventre mais aussi une certaine obsession. Et si le coup de coeur n’est pas arrivé, parce que le schéma m’était trop familier, il reste un excellent thriller/roman noir.

« Tama est une esclave. Elle n’a quasiment connu que la servitude. Prisonnière de bourreaux qui ignorent la pitié, elle sait pourtant rêver, aimer, espérer. Une rencontre va peut-être changer son destin…

Gabriel est un homme qui vit à l’écart du monde, avec pour seule compagnie ses démons et ses profondes meurtrissures.

Un homme dangereux.

Un matin, il découvre une inconnue qui a trouvé refuge chez lui. Une jeune femme blessée et amnésique.

Qui est-elle ? D’où vient-elle ? »

(Couverture: © Altan Can/Eyeem - Getty images)

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