Mes meilleures lectures 2023

Cette année, on change un peu la formule puisque rien ne vous a été révélé sur les réseaux avant l'article. Néanmoins, on conserve l'idée de base: vous parler à nouveau de ces lectures qui m'ont le plus marqué depuis décembre 2022. C'est donc parti pour mes plus belles lectures de l'année. Celle de ce mois-ci auront une chance de faire partie du top 2024. Et cette année, c'est un top 15 global que je vous propose!

Le choix fut un peu moins douloureux cette année même s'il a fallut en retirer quelques unes à regrets pour que ce top ne soit pas excessivement long. Sachez que les livres de ce top 15 n'ont aucun classement entre eux mais constituent les lectures que je garderai le plus en mémoire de l’année 2023. Un constat: les autrices d'imaginaire ont du talent!

La Méduse de Boum, éditions Pow Pow

La Méduse est une superbe bande dessinée tant dans son visuel, doux et incroyablement immersif, que dans son propos intense et bouleversant de sincérité. Boum nous propose une histoire sur l’arrivée d’un handicap/d’une maladie invisible, de la difficulté pour la personne qui en est atteinte d’accepter ce qui va bouleverser sa vie mais aussi de la force que procure le fait d’être bien entouré. C’est écrit avec beaucoup de justesse et la représentation concrète, pour nous lecteurices, de cette méduse dans l’œil, est une idée lumineuse. Tout simplement ma plus belle lecture graphique de l’année.

« Je suis enfant unique.
Mes parents m’ont toujours mis tellement de pression pour que je réussisse à l’école, pour que je devienne neurologue ou biologiste, je sais pas trop.
Quand j’ai lâché l’université pis que je suis devenue libraire… ils m’en ont tellement voulu.
- Mais c’est une belle vocation libraire.
Tu diras ça à ma mère. »

Histoires de moine et de robot. Tome 2, Une prière pour les cimes timides de Becky Chambers, traduction de Marie Surgers, L'Atalante, La dentelle du cygne

Que serait un top annuel de Yuyine sans un Becky Chambers ? J’ai un affect tout particulier et personnel pour cette série qui, à chaque fois, est lue au moment exact où ma vie entre en écho avec le propos. Dans ce deuxième opus, nous suivons Dex et le robot Omphale dans leur épopée à la rencontre des humains pour poser une question aux réponses infiniment multiples :« Qu’est-ce que le bonheur ? ». Plein de sagesse, plein de beauté, doux pour l’âme et pour l’esprit, Une prière pour les cimes timides nous propose de saisir l’impossible quête de sens que nous nous infligeons et de retrouver goût au fait d’être, tout simplement.

« Comment puis-je affirmer aux gens qu’ils méritent le bonheur, si je ne pense pas le mériter?»
 

Méduse de Martine Desjardins, L'Atalante, La dentelle du cygne

Roman mémorable de la rentrée littéraire, Méduse est un roman surprenant aux lectures multiples, oscillant de l’allégorie mythologique, le conte gothique cruel et le récit d’émancipation brutal et pourtant auréolé d’une prose saisissante. Je me souviens surtout de la claque littéraire que m’a procuré la plume de l’autrice mais aussi de cette ambiance si particulière qui nous accroche du début à la fin du récit. Un roman qui, contre toute attente, ne laisse pas de marbre.

« Depuis l’enfance, la honte m’avait tenu lieu de conscience. Elle avait exercé un contrôle sur ma vie, ordonné mes choix, présidé à mes décisions. Cette constriction de mon libre arbitre, cette pulvérisation de mon amour-propre, cette détestation virulente de mon être ne m’avaient pas seulement éborgnée, énuclée, aveuglée: elle m’avait coupé les ailes, lié les mains, scié les jambes. La honte me pétrifiait parce que j’en étais pétrie.»

La cité des nuages et des oiseaux d'Anthony Doerr, lu par par Thibaut Delmotte, Aaricia Dubois, Fabian Finkels, Sophie Frison et Martin Spinhayer, traduction par Marina Boraso, Audiolib

Voici un magnifique roman choral qui nous parle du pouvoir des histoires, de leur importance dans nos vies et dans notre monde, dans ce qu’elles ont la force de véhiculer, de faire vivre et d’aider. C’est une ode à l’imagination, aux bibliothécaires et aux mots qui nous émeut au plus profond de nous-mêmes. Habilement construit sur différentes époques et différents récits entremêlés, La cité des nuages et des oiseaux se dévore avec délice comme on se laisserait conter une histoire passionnante au coin du feu. Le format audio lui sied particulièrement bien avec différentes personnes assurant toutes une narration remarquable pour donner vie à chaque personnage de l’histoire.

« Je sais pourquoi les bibliothécaires t’ont lu ces vieilles histoires : si elles sont bien racontées, celui qui les écoute reste en vie aussi longtemps que dure le récit.»

La machine. Tome 2, Les fils du feu de Katia Lanero Zamora, ActuSf, Les trois souhaits

Katia Lanero Zamora nous a offert une fin de diptyque encore plus puissante que le premier tome. Les fils du feu est un condensé émotionnel d’une puissance rare portant avec force un message sur l’absurdité des guerres, d’autant plus quand elles sont fratricides, et le décalage injuste qu’il peut exister entre un peuple qui lutte pour ses droits et sa liberté et les puissants qui ne recherchent que le maintien de leur pouvoir. Formidablement bien écrite, cette allégorie de la guerre civile espagnole se conclut par un roman intense, très juste et porté par des personnages inoubliables.

« Nous sommes des hommes libres qui se battent pour une cause noble! Pouvez-vous en dire autant de chacun de vos soldats? Êtes-vous sûr d’avoir leur cœur et leur loyauté, ou vous suivent-ils parce qu’ils ont peur? Compadres, avez-vous peur? La Harde répondit d’une seule voix: « Non! »»

Nos cœurs disparus de Celeste Ng, traduction de Julie Sibony, Sonatine

Récit du monde de demain, tourné vers des politiques sécuritaires raciales et de censure, Nos cœurs disparus est aussi et avant tout l’histoire de l’amour qui unit une mère à son enfant. Avec ce roman, Celeste Ng nous parle des dérives autoritaires actuelles et la beauté du militantisme pacifique dans un roman touchant qui porte en creux la volonté d’un monde plus juste, réenchanté par les histoires. C’était beau et inspirant.

« Ce serait trop antipatriotique, n’est-ce pas, de vous raconter les choses horribles que notre pays a faites par le passé. Les camps d’internement pour Japonais à Manzanar, ou ce qui se passe à la frontière mexicaine. On vous apprend sûrement que la plupart des propriétaires de plantations étaient gentils avec leurs esclaves, et que Christophe Colomb a découvert l’Amérique, non? Parce que vous dire la vérité, ce serait encourager des opinions anti-américaines, et c’est ce qu’on veut éviter à tout prix.»

La maison des jeux. Tome 3, Le maître de Claire North, traduction de Michel Pagel, Le Bélial', Une Heure-Lumière

Conclusion d’un triptyque magnifiquement construit et original, cette novella grandiose, palpitante, mais effarante aussi par bien des aspects, offre une dimension vertigineuse à l’intrigue de la trilogie. On y suit un personnage écrit avec beaucoup de finesse qui donne à ce dernier volet une dimension étonnamment touchante, le tout dans une intrigue qui ne souffre pas de temps mort mais permet d’étonnantes respirations magnifiques. Une conclusion magistrale pour une série à lire de toute urgence.

« Elle ne provoquait ni peur ni envie, ni angoisse ni rage, elle était simplement ce qu’elle était; une joueuse. Ces mots renfermaient l’alpha et l’omega de son existence, et le reste n’était que du givre par un matin d’hiver.»

La maison dans laquelle de Mariam Petrosyan, traduction de Raphaëlle Pache, Audible studios, lu par Julien Allouf

Je conserve de cet audio-livre un ébahissement. L’impression d’être face à une œuvre phénoménale et indescriptible, grandiose et très atypique où l’imaginaire et le réel se confondent pour mieux nous perdre dans ses pages. Un livre difficile à conseiller et pourtant fondamentalement génial qui constitue une expérience de lecture inoubliable. Récit d’adolescents en pensionnat pour personnes souffrant d’un handicap, recueil de légendes et de faits rocambolesques et fantastiques, roman sur le fait de grandir et de s’échapper du monde, ouvrage en huis-clos aux dimensions infinies, voici un livre-monde d’une formidable richesse.

« " Un sourire, mon petit, avait expliqué Elan, c'est ce qu'il y a de meilleur chez l'homme. Tu n'es pas vraiment un homme tant que tu ne sais pas sourire.
- Montre moi" lui avait demandé l'aveugle….»

Rossignol d'Audrey Pleynet, Le Bélial', Une Heure-Lumière

Que dire de ce livre très justement primé du Prix Utopiales si ce n’est qu’il est génial ? Audrey Pleynet nous ouvre ici à un univers riche, aux multiples espèces et dont l’intrigue propose des questionnements riches sur l’humanité mais aussi sur les difficultés de maintenir un monde utopique mais tout en diffusant ce doux espoir de lutter pour ses valeurs. Le tout dans un format novella. Un petit écrin qui contient l’univers entier, qui nous scotche par sa richesse folle et qui reste pourtant très fluide. Une prouesse. Rien de moins.

« Je m’asseyais dans un coin, à même le sol, sans prendre la peine de trouver un siège qui correspondait à ma morphologie bipède, et je regardais émerveillée, puis somnolente, toute cette vie. Les murmures des souffles télépathiques de certaines espèces, même lointains, effleuraient mon esprit et me berçaient autant que le va-et-vient de la foule face à moi. Si je fermais les yeux, si j’oubliais les limites de mon corps, de mes membres sur le métal dur de la station, je me fondais dans ces voix, dans ce mouvement.»

Lightfall. Tome 2, L'ombre de l'oiseau de Tim Probert, traduction de Fanny Soubiran, Gallimard BD

Plonger dans ce second tome de Lightfall m’a donné le sentiment de retrouver de vieux amis. C’est une série BD où on ne peut que s’attacher aux personnages principaux dont les failles respectives et complémentaires les rendent terriblement attendrissants. Dans cette suite, encore plus épique que le premier volume, l’intrigue, sous tension, se dévore avec passion et les illustrations magnifiques et pleines de douceur sont un plaisir pour les yeux. Une lecture doudou et un excellent récit d’aventures.

« Certains malheurs arrivent sans qu'on puisse y trouver une explication. S'il y a bien une leçon que j'ai retenue, c'est celle-là. »

Paternoster de Julia Richard, L'Homme sans Nom, Ir_Reel

Julia Richard nous offre ici un roman à l’ambiance oppressante délicieusement réussie. Dans ce thriller psychologique sur les violences insidieuses que subissent les femmes en amour et sur la manipulation, nous ne sommes jamais au bout de nos surprises. Marquant parce que terriblement réel même dans ses petits soupçons d’irréel, Paternoster laisse une impression tenace et obsédante qui nous attrape, nous sidère et nous fout en rogne avec son histoire d’une monstruosité ordinaire.

« Je porte le nom de ma lignée, les attentes de mes ancêtres… Et elles sont féroces. Implacables, même. Si tu acceptes de rester avec moi, tu acceptes tout le reste. À vrai dire, c’est pire que ça. Si tu donnes ton accord sur ce minuscule petit point, tu peux dire adieu à tes choix, le reste est déjà tout tracé.»

La mer de la tranquillité d'Emily St. John Mandel, traduction de Gérard de Chergé, Rivages

Mon amour pour Emily St. John Mandel est établi et évident. Mais je dois tout de même le dire, La mer de la tranquillité est particulièrement excellent dans sa bibliographie. Dans ce roman qui mêle les époques et les récits, entre voyage temporel, épidémie et création, l’autrice réussit une nouvelle fois à nous bluffer par sa construction narrative et à nous transporter sans faillir, et non sans émotion, dans un roman éblouissant de maîtrise qui se tisse dans les détails et s’assemble sur le final comme une belle partition où il transcende le réel en s’en faisant écho. Une ode à la vie vécue, un chef-d'œuvre.

« J’ai toujours adoré la pluie, et le fait de savoir qu’elle ne vient pas des nuages n’en diminue aucunement l’attrait à mes yeux.»

Saga. Tome 10 de Brian K. Vaughan et Fiona Staples, traduction de Jérémy Manesse, Urban comics, Urban Indies

Des retrouvailles très attendues et en même temps terriblement redoutées. Après tant d’années d'attente depuis le tome 9 (et le trauma qui l’accompagnait), le retour de Saga a été plus qu’à la hauteur. C’était un plaisir infini de retrouver ces personnages que l’on aime du fond du cœur, de replonger dans cet univers inclusif et de poursuivre cette histoire qui ne cesse décidément pas de m’emporter et de m’émouvoir. Un coup de cœur intersidéral qui va continuer, je l’espère, encore et encore.

« - Test sanguin ou chat mensonge assoupi dévoilera toujours qui vous êtes.
- Une veuve fauchée?
- Une femme qui vole. Même clouée au sol. »

Les archives des Collines-Chantantes. Tome 1, L’impératrice du Sel et de la Fortune de Nghi Vo, traduction de Mikael Cabon, L'Atalante, La dentelle du cygne

Cette lecture faîte au tout début de l’année me reste encore parfaitement en mémoire. C’est un magnifique conte aux accents imaginaire et féministe qui nous est proposé dans une narration tout à fait originale. Car c’est via les objets croisés que se tisse l’histoire d’une femme, et, à travers elle, l’histoire entière d’un Empire. Envoûtant, magnifique et plein de subtilités, c’est un récit où le quotidien et l’ordinaire dévoilent l’extraordinaire. Une superbe ode à la transmission des histoires.

« L’abbaye des Collines-Chantantes le dirait, si un témoignage ne peut être parfait, il se doit au moins d’exister. Mieux vaut qu’il prenne place dans le monde plutôt qu’il n’accède à la perfection dans la seule imagination de son auteur.»

Du thé pour les fantômes de Chris Vuklisevic, lu par Clotilde Seille, Gallimard écoutez lire

Asseyez-vous confortablement, prenez donc cette tasse de thé réconfortante et laissez-vous conter une histoire. C’est exactement ce sentiment particulièrement agréable que procure Du thé pour les fantômes. Avec cette histoire de secrets de famille et de deuil, c’est aussi un récit d’émancipation et de sororité que l’autrice nous propose avec une narration teintée d’une poésie mélancolique superbe. Un récit particulièrement adapté aux périodes automnales et hivernales pour se réchauffer un peu le cœur.

« Je vous donnerai toutes les vérités de ceux qui ont vécu cette histoire. Et comme je ne dirai que le vrai, il n'y aura sans doute là-dedans pas grand-chose de réel. Vous voilà prévenu.»

Et vous, quelles sont vos plus belles lectures 2023?

 

 

Comments

Bien que je n'aie rien lu de tout ça, ça m'a tout l'air d'être un beau récap! :)
J'ai le Becky Chambers en PAL.

Oh bonne lecture du Becky Chambers à l'avance :)

Je te rejoins sur Du thé pour les fantômes ! Je n'ai pas lu tes autres titres (à part le Mandel mais qui sera plutôt cite oublié en ce qui me concerne 🤗), mais j'en retiens certains.

Si tu dois choisir une de tes lectures cette année, c'est laquelle?

Joli liste ! On a que Du thé pour les fantômes en commun :)

Si tu ne l'as pas déjà lu, le Nghi Vo devrait te plaire aussi

Beau bilan même si je n'en connais pas beaucoup (je n'ai lu que La cité des nuages et des oiseaux, Rossignol et Le Maître). Je n'ai pas encore réfléchi à mon top mais Rossignol sera dedans, c'est sûr.

Rossignol est une sacré claque il faut le dire!

Pas surprise de voir St John Mandel et Chambers dans tes coups de cœur :)
Je suis très contente de partager avec toi certains d’entre eux : La maison dans laquelle, La maison des jeux, La cité des nuages et des oiseaux… La machine a aussi été une super lecture.
Pater Noster je le garde pour 2024.

Les deux autrices sont difficiles à déloger dans mon coeur et pourtant à chaque lecture d'elles j'ai la trouille de ne pas aimer xD. On a effectivement pas mal de coup de coeur commun cette année. J'ai hâte de partager d'autres lectures avec toi en 2024.

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