Bleu à la lumière du jour

En août dernier, les éditions Dargaud ont publié une nouvelle bande dessinée de l’auteur espagnol Borja González intitulée Bleu à la lumière du jour. Bien que reprenant un personnage que l’auteur a déjà exploité mais dans des univers et des époques très diverses, cette œuvre reste un one-shot indépendant qui nous propulse dans un univers de fantasy mystérieux aux allures de conte gothique. Et voici ce que j’en ai pensé…

Un conte cruel

Bleu à la lumière du jour nous raconte une histoire bien étrange. Son intrigue se déroule dans un décor aux allures de grand conte gothique où le temps semble s’être arrêté. Dans ce château envahi par la végétation et entouré d’une forêt qui semble impénétrable, ne vivent que des femmes qui attendent les hommes partis dans ce qui semble être une chasse éternelle. Parmi elles, Mathilde que l’on découvre étrange, marionnette de sa propre famille, malmenée par ses pairs et curieusement silencieuse et apathique depuis son escapade en forêt. La violence et l’envie gravitent autour d’elle dans une ambiance malaisante en l’attente d’un évènement majeur qui s’annonce terrible. Le récit perturbe nos repères (Où sommes-nous ? À quelle époque?) et notre lecture parmi ces femmes sans visage que l’on confond et mélange mais qui révèlent leur regard cruel dans des gros plans glaçants. On ne saisit pas tout, car l’auteur ne nous laisse pas toutes les clés pour créer des réponses à nos questions, mais on se laisse néanmoins envoûter par ce récit énigmatique et le mystère de la destinée de Mathilde. L’ambiance oppressante se traduit dans la violence et la pression qui entoure notre silencieuse héroïne mais aussi dans toutes nos incertitudes dans ce conte noir plein de surprises. Bleu à la lumière du jour est aussi un bel hommage au merveilleux et son histoire offre une mise en abysse fascinante entre sur la question du manque de liberté des femmes, enfermant des destinées dans des tableaux et des écrits.

Une narration subtile

Borja González ne propose pas une bande dessinée limpide. Son récit se teinte de mystères, de points sans réponses, de silences énigmatiques pour mieux perturber nos certitudes et parvenir à créer une ambiance particulière. Cela dit, le sentiment d’être perdu peut être plus déstabilisant que plaisant par instants et la difficulté de cerner les personnages par leurs traits effacés participe à la difficulté de lecture. On perd sans doute une grande partie du message qu’il souhaite véhiculer dans cette errance malheureusement, notamment le côté récit d’émancipation qui s’efface derrière le mystère. Graphiquement, cependant, malgré des choix qui génère une petite frustration, la bande dessinée est très agréable. Que ce soit sous les teintes bleutées des nuits ou ocres des jours, Bleu à la lumière du jour est une œuvre superbe de contraste. Un récit d’ombres et de lumière qui s’écrit jusque dans les traits de pinceaux. Il y a une réelle poésie dans les dessins de cet album, renforçant le côté onirique/conte du récit par sa subtilité et son ambiance.

En bref, bien que légèrement frustrée par le manque de clarté dans la narration et le manque de réponses fournies par l’intrigue, j’ai été envoûtée par ce récit aux accents gothiques qui ne manque ni de surprise, ni de beauté. L’ambiance comme le style graphique de l’œuvre sont maîtrisés et l’originalité, tant de l’univers que de la proposition narrative en font une bande dessinée qui ne laisse pas indifférent.

« Une époque indéterminée qui ressemble au Moyen Âge... Un château lentement rongé par la nature...

Entre jalousie larvées et rancoeurs familiales, les femmes attendent le retour des hommes, partis à la chasse. Elles attendent surtout un évènement majeur.

Un évènement qui scellera le destin de Matilde, auquel sa soeur Teresa tente de la faire échapper.»

(Illustration de couverture & extrait: © Borja González)

> Lire un extrait < (© Dargaud)

Content warning (contenus pouvant heurter la sensibilité sur la base d'une liste établie par Planète Diversité): Agression, Harcèlement, Noyade, Sang

[Lecture n°53 (57/84 points avec les bonus pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 11 de Ma lecturothèque]