Du thé pour les fantômes

Paru en mai aux éditions Denoël, Du thé pour les fantômes est le dernier roman en date de l’autrice Chris Vuklisevic. Entre son titre et la certitude d’une plume pleine de poésie, c’est une sortie qui avait retenu mon attention et que j’ai été ravie de voir adaptée en version livre audio chez Gallimard Écoutez lire avec une narration de Clotilde Seille presque dans la foulée de la sortie papier. Une belle occasion pour moi de découvrir l’ouvrage. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Je vous donnerai toutes les vérités de ceux qui ont vécu cette histoire. Et comme je ne dirai que le vrai, il n'y aura sans doute là-dedans pas grand-chose de réel. Vous voilà prévenu.»

Je vous en pris, prenez place. Prendrez-vous une tasse de thé ?

Le roman de Chris Vuklisevic commence plus ou moins ainsi. Nous voilà au sein d’un salon de thé un peu étrange alors que la pluie tombe à l’extérieur, prêtes et prêts à écouter une histoire faîte de mystères, de fantômes, de secrets de famille et de thé qu’on nous confie autour d’une tasse fumante au parfum de merveilleux. Je dois dire que dans ce cas, le version audio fonctionne particulièrement bien. D’autant plus quand il pleut sans discontinuer pendant toute l’écoute ! Chris Vuklisevic nous propose un récit cosy et fantastique où Nice et ses alentours, notamment la vallée de Merveilles, se drapent d’une touche mélancolique et magique et où la vérité se drape d’imaginaire comme un appel au rêve. C’est un récit émouvant qui nous amène à la rencontre d’une famille surprenante où deux sœurs, l’une passeuse de fantômes et l’autre sorcière, doivent composer avec le décès de leur mère et leur histoire familiale lourde de rancœurs et de non dits. Elles devront travailler ensemble pour déceler les secrets de celle qui les mit au monde, mais aussi lever les silences sur leur relation et se redécouvrir elles-mêmes. Leur histoire, entre mystère, magie, souffrances et sororité nous emporte sans peine dans son ambiance mélancolique magnifiquement retranscrite par la plume de l’autrice et par la narration de Clotilde Seille qui y donne corps. On s’installe donc confortablement et on profite d’une tasse de thé en leur compagnie.

« Tout s’étale là, sous les lampes vertes de la salle de lecture. Une feuille pour chaque joie et douze pour chaque malheur. Les certificats de naissance et de décès, les contrats de mariage, les adresses successives. Voilà ce qui reste de soi, après. La paperasse, on a beau l’éviter toute sa vie, c’est au bout du compte notre seul vestige sur la Terre.»

Destinée, poids des mots, impact du silence

Chris Vuklisevic tisse dans son histoire fantastique le récit bien trop réel d’une maltraitance familiale qu’on perçoit transmise comme une malédiction. Car cette mère disparue laisse derrière elle deux filles qui ont besoin de réponse. L’une envahie d’un amour qui la cloisonne, l’autre rejetée dans les ombres. Deux souffrances, une mère, tant d’histoires. Le récit évoque avec force le poids du jugement des autres dans la définition de nous-mêmes mais aussi le poids des mots utilisés pour nous nommer. Et dans la prose de l’autrice, les mots sont choisis avec soin également. Les fantômes y sont par exemple autant ces âmes de défunts classiques que la notion plus abstraite des secrets et questions sans réponse qui nous hantent et les thés aux pouvoirs mystérieux se font étrange-thés. Chris Vuklisevic écrit avec beaucoup de poésie et certains passages de l’ouvrage sont d’une résonnante beauté, notamment une histoire à deux voix pourtant silencieuse dans les actes mais si vive dans les mots. À l’audio, ce passage est somptueux. En faisant résonner à l’unisson les voix des deux sœurs, Clotilde Seille déploie tout son talent de narratrice et nous coupe le souffle. C’est ce genre d’émotions que je garde à l’issue de cette lecture. Entre amour et deuil. Malgré ses quelques longueurs, malgré ses quelques failles, c’était une très belle lecture audio, parfaite pour les temps pluvieux.

En bref, Du thé pour les fantômes est un roman cosy et mélancolique d’une quête où secrets de famille, fantômes et arômes de thé se mêlent autour d’une histoire de deuil mais aussi d’émancipation et de retrouvailles. Un texte poétique magnifiquement narré par Clotilde Seille à l’audio qui fait résonner avec force les différentes émotions qui passent dans cette histoire où chaque mot semble avoir son importance et prendre tout ses sens.

« Agonie est sorcière. Félicité, passeuse de fantômes. Le silence dure depuis trente ans entre ces deux filles de berger, jusqu’au jour où la mort brutale de leur mère les réunit malgré elles. Pour recueillir ses derniers mots, elles doivent retrouver son spectre, retracer ensemble le passé de cette femme qui a aimé l’une et rejeté l’autre. Mais le fantôme de leur mère reste introuvable, et les témoins de sa vie, morts ou vivants, en dessinent un portrait étrange, voire contradictoire. Que voulait-elle révéler avant de mourir ? Qui était vraiment cette femme fragmentée, multiple ? Leur quête de vérité emmènera les sœurs des ruelles de Nice au désert d’Almería, de la vallée des Merveilles aux villages abandonnés de Provence, et dans les profondeurs des silences familiaux.»

(Illustration de couverture : © Cécilia Leroux)

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