La cité diaphane

On connaissait Anouck Faure pour ses talents d’artistes, les éditions Argyll nous propose désormais de découvrir ses talents d’autrice avec son premier roman, La cité diaphane, publié le 3 février. Illustré de plusieurs gravure à l’eau-forte de l’autrice, ce roman de fantasy gothique me faisait très envie pour sa proposition d’univers sombre et poétique et voici ce que j’en ai pensé. 

« Dans la nuit, les humains comme les insectes cherchent un souvenir de soleil dans l’éclat du feu.»

Sombre et acéré

La cité diaphane est un roman qui, dès les premières lignes, frappe par son ambiance sombre et envoûtante. Une impression inquiétante mais néanmoins fascinante se dégage de l’arrivée de l’archiviste à la cité de Roche-Étoile, teinté en plus d’un certain mystère par la forme de narration utilisée par l’autrice. On sait vers quel destin ce personnage se dirige, même si certaines surprises seront au rendez-vous, aussi il ne nous reste plus qu’à se laisser porter par la plume de l’autrice. Et quelle plume! Anouck Faure manie aussi bien cet outil que ceux qu’elle utilise pour ses œuvres graphiques. Acérée, poétique, son écriture dans un style gothique nous enveloppe et nous captive comme un poison qui s’infiltre dans nos âmes. Rare sont les premiers romans à offrir une ambiance aussi travaillée et aussi immersive. Une fois plongé dans cette lecture, il devient difficile de s’en détacher tant son aura nous captive. Les amateurs d’univers à la Dark souls ou Elden ring trouveront ici une cité à la hauteur de leurs attentes. Anouck Faure signe avec brio une pépite noire qui s’apparente à un conte gothique, d’abord mystérieux puis progressivement inquiétant où le décor se fait personnage, vibrant tout autant, si ce n’est plus, que les pauvres être égarés qui le parcourent. Ajoutons à cela la beauté des gravures de l’autrice qui participent à cette ambiance magistrale et collent à la perfection au style de ce roman dans une symbiose logique et totale. 

« Une végétation malsaine envahissait les berges. Seuls manquaient les animaux. Nul oiseau ne semblait avoir établi sa demeure dans ces roseaux, nul insecte nocturne. Aucun frisson n’accompagnait ma marche, nulle fuite, nul cri devant la lueur incongrue que je portais dans la pénombre. Les sept années qui s’étaient écoulées depuis le drame n’avaient pas suffi à laver la souillure des eaux mortifères.»

Identités troubles et destins funestes

Au-delà de son ambiance magistrale, La cité diaphane est aussi un roman dont l’intrigue parvient à nous surprendre. Beaucoup de choses sont trompeuses dans ce récit, la vérité se cache en clair-obscur dans les méandres de l’histoire de Roche-Étoile et dans les identités multiples qui y errent. Le narrateur lui-même, se joue un peu de nous pour pouvoir nous délivrer ce récit, mais est possiblement le jouet d’autres forces également. Anouck Faure nous offre un roman aux multiples visages qui nous trompe même sur la notion de fin. Roche-Étoile est décidément fascinante et, semble-t-il, éternelle tel un mythe, aussi grandiose que terrifiante. Le rythme lent n’est ici aucunement un frein à la lecture, facilitant au contraire l’immersion dans ce temps suspendu qui semble emprisonner les lieux. Et ces mystères sur l’issue de toute cette histoire, plus vaste et à la fois plus intime que ce qu’on pourrait croire de prime abord, nous maintiennent captivé·e·s sans faillir. Si je voulais émettre un petit regret, je dirai que j’ai tant aimé le début du roman que j’aurai voulu que cet aspect de l’intrigue se maintienne plus longuement. Mais cela n’aura pas empêché que je sois soufflée par la qualité de ce livre. 

« Les heures nocturnes n’offrirent qu’un repos troublé de cauchemars. Tandis que mon esprit s’embourbait dans les fanges de l’épuisement, un chant l’en arracha et perça la nue. Une voix de femme entonnait une complainte dont les paroles archaïques se changeaient peu à peu en gémissements tourmentés. J’avais déjà entendu en rêve cette mélopée, mais elle portait une tristesse résignée et ancienne. Elle exprimait à présent une douleur écorchée, un deuil teinté de vengeance et de folie. Une haine intolérable. »

En bref, La cité diaphane est un premier roman de fantasy gothique grandiose où la plume acérée et poétique d’Anouck Faure tisse une ambiance envoûtante magistrale. L’intrigue, pleine de surprise, est à la fois conte tragique intime et mythe universel où mystères et révélations nous emmènent au cœur d’une cité fascinante. 

« Merveille architecturale élancée vers le ciel, Roche-Étoile a connu la splendeur et la chute. La cité sainte de la déesse sans visage est maudite, réduite à l’état de nécropole brumeuse depuis que les eaux de son lac et de ses puits se sont changées en poison mortel.

Sept ans après le drame, l’archiviste d’un royaume voisin se rend dans la cité défunte avec pour mission de reconstituer le récit de ses derniers jours. Mais il s’avère bientôt que Roche-Étoile abrite encore quelques âmes, en proie à la souffrance ou à la folie, et celles-ci ne semblent guère disposées à livrer leur témoignage.

Un jeu de dupe commence alors entre l’archiviste et ces esprits égarés, dans les dédales d’une cité où la vérité ne se dessine qu’en clair-obscur, où dénouer la toile du passé peut devenir un piège cruel.»

(Illustration de couverture : © Xavier Colette)

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