Movie ghosts. Tome 1, Sunset, et au-delà

Movie Ghosts est un diptyque de bande-dessinée polar-fantastique dont le premier tome, Sunset, et au-delà nous plonge dans les mystères et secrets qui ont fait l’histoire d’Hollywood. Publiée le 27 avril dernier, cette BD est écrite par Stephen Desberg (IR$, Le scorpion, etc.) et illustrée par Attila Futaki (Severed, etc.). Elle entre dans la collection Grand Angle des éditions Bamboo. Voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Merci aux éditions Bamboo, et à Stéphane Levens pour cet envoi.]

« Oui, je peux imaginer ça. Des esprits arrachés à leurs espoirs, aux grands rôles qui leur avaient été promis. Les vies déchirées par les échecs, les trahisons, les suicides, les malheureux incapables de tirer leur révérence et de s’en aller pour de bon… prêts à accepter l’injustice ou l’oubli.»

Une oeuvre d’art

Une fois n’est pas coutume, j’ai d’abord envie de souligner l’aspect graphique de cette bande-dessinée car c’est ce qui m’a mené à elle en premier et c’est aussi ce qui m’a fait l’aimer, plus que l’intrigue elle-même. Attila Futaki nous offre une oeuvre graphique somptueuse dont les illustrations, le découpage et la colorisation participent tous à l’ambiance si particulière de polar. On percevrait presque l‘odeur de la fumée de cigarette de Jerry Fifth, la moiteur des bouches d’aération de L.A., l’humidité des nuits chaudes, le tintement des glaçons dans un verre à cocktail… Attila Futaki nous offre des des cases très élégantes, travaillées en détails dans un style qui évoque l’élégance et le découpage pop art (en plus sombre) mais fait également hommage à des plans et scènes cultes du cinéma hollywoodien des années 30/40, notamment dans le design des personnages. Cela donne une dimension dramatique à certains plans et se coordonne parfaitement avec l’intention du scénariste. La colorisation, superbe, en jeux d’ombres et de lumières, apporte un grand plus à la bande-dessinée qu’on parcoure presque comme un livre d’art. En bref, graphiquement, je suis conquise. 

Un polar noir à l’américaine

Stephen Desberg nous plonge dans Los Angeles, ses vices, son histoire tourmentée et ses désillusions. Son intrigue fait appel à l’histoire d’Hollywood, son âge d’or comme ses plus grands travers et use de nombreuses références à celle-ci dans son intrigue mais aussi dans son écriture. La BD présente en effet de nombreuses bulles narratives, comme une voix off d’un vieux film noir américain où l’enquêteur commente son histoire et apporte, d’un ton qu’on imagine rauque et intense, un rythme particulier à l’intrigue. Intéressant, cela impose aussi une certaine lenteur qui ne conviendra pas à tout le monde mais convaincra les amateurs de polar d’ambiance. En bande-dessinée, j’admets que ça fonctionne nettement moins bien qu’en film et finit un peu par lasser. Mais pour ma part, c’est pour l’aspect imaginaire que j’ai le plus de reproches. L’intrigue apporte la touche fantastique de manière assez maladroite et n’apporte aucune explication a fait que Jerry ne soit jamais choqué de sa situation (à peine un « mais pourquoi est-caque je vois et parle aux morts moi? »). J’ai trouvé que l’aspect surnaturel était utilisé comme prétexte pour aborder l’histoire cinématographique américaine plus que comme réel intérêt scénaristique. L’aspect romance qui s’insère en plus est quant à lui utilisé pour créer d’autres clins d’œils à des films cultes mais n’apporte finalement pas grand chose, hormis un touche de tragique, il faut le dire, assez élégante. Globalement, je n’ai pas vraiment été convaincue par la double intrigue proposée dans ce premier tome, malgré l’ambiance très réussie et l’esthétique sublime. 

En bref, ce premier tome sur les deux prévus de Movie ghosts est une bande-dessinée intéressante, notamment graphiquement où le travail superbe d’Attila Futaki nous emporte dans une ambiance immersive très réussie. Hommage aux vieux films noirs américains, avec son utilisation de la voix off narrative, la BD présente une rythme lent qui peut freiner et use malheureusement de l’aspect fantastique de manière maladroite. Je n’ai été que peu convaincue par l’intrigue qui était proposée et sort de cette lecture avec un avis mitigé. 

« Jerry Fifth connaît tous les péchés de la Cité des Anges, des prostituées de Sunset Boulevard aux divas de Hollywood, des producteurs sur le retour aux jeunes acteurs sur le chemin de la gloire. On le paie pour trouver des amants, des enfants illégitimes, des assassins, des assassinés. Pourtant, Jerry a un problème. Il entend les voix des fantômes d’étoiles éteintes. Pourquoi a-t-il accès à ces voix, à ces visages en quête de vérités perdues ? Au cœur d’un siècle de cinéma, des salles à deux sous aux machines à rêve des grands studios, Jerry va découvrir les ruines d’une ville dans la ville, des secrets à l’intérieur d’autres secrets. »

(Illustration de couverture & extrait : © Attlia Futaki) 

Content warning (contenus pouvant heurter la sensibilité sur la base d'une liste établie par Planète Diversité): Alcool, Cigarette, Meurtre (mention), Mort, Viol (mention), Suicide (mention)

[Lecture n°40/108 (pour l'échelon 5 Synchronisation avec la page) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 10 de Ma lecturothèque]