Terminus Elicius

Premier roman de Karine Giebel, publié initialement en 2004 chez Rail noir, puis en poche chez Pocket en 2011, Terminus Elicius a fait l’objet d’une réédition chez Belfond fin 2016, augmenté d’une nouvelle inédite intitulée Aurore. Prix marseillais du polar en 2005, que nous vaut ce premier jet de l’auteur qui m’avait fichu une grosse claque en 2016 avec Meurtres pour rédemption? 

Décevant mais prometteur en tant que premier roman

C’est certain, atteindre le niveau d’émotion que m’avait procuré Meurtres pour rédemption allait être difficile (voir impossible parce qu’après un mois il me hante encore!). Pourtant loin du niveau du second roman de Karine Giebel, qui paraîtra deux ans plus tard, Terminus Elicius reste malgré tout un bon petit thriller sympathique et prometteur qui se dévore en un rien de temps. Et cela n’est pas seulement dû au fait qu’il ne fait pas 300 pages! Le style de l’auteur, encore à ses prémisses, est déjà terriblement addictif et on plonge aisément dans ses mots pour nous embarquer dans la vie un peu chaotique de Jeanne. Ce n’est certainement pas un thriller ultra abouti et inévitable mais il vous fera passer un très bon moment de lecture avec des petits moments de tension comme il faut et un twist final surprenant que mon esprit un peu malade n’avait pas prévu. Et ça, j’aime! On appréciera les quelques brides où le style de Karine Giebel s’épanouit un peu plus, comme lors des crises de Jeanne où la douleur nous prend aux tripes et nous envoûte. Les descriptions des voyages en train m’ont également fait rêver, faisant écho pour moi à Marianne de Meurtres pour rédemption au point de m’émouvoir (quand je vous dis que ce livre me hante, il est carrément dans ma peau!).

« Calme-toi, Jeanne! supplia la voix. Trop tard. Terrorisée, Jeanne. Dos au mur et face au mur. D’autres images, maintenant. Celles qu’il faut bannir. Celles qui tordent les tripes, qui font vomir. Le goût du sang dans la bouche, la brûlure dans les veines… »

Un léger manque d’immersion et de frissons

Si il y a une chose que je regrette, mais qui s’explique amplement par le statut premier roman, c’est que l’ensemble est trop propre, trop lisse. J’avais envie de cette réalité dure et violente que sait si bien faire ressentir l’auteur. De fait, l’enquête m’a paru un peu éloignée, comme un fait divers qui se lit à travers un prisme. Je n’ai pas réussi à ressentir la peur de Jeanne parce qu’émotionnellement j’étais distante de ce récit. D’ailleurs, ce personnage de Jeanne reste une énigme pour moi. Je pense qu’avec un peu plus de développement j’aurai pu en saisir toutes les aspérités et plus m’impliquer dans son histoire. Ici, je suis restée comme spectatrice externe malheureusement. Mais ne vous méprenez pas, j’ai passé un super moment et j’ai apprécié ce court thriller dont le mystère autour d’Elicius m’a bien accroché (j’avais juste envie de secouer Jeanne à son propos). Certes, il restera anecdotique dans mon parcours de lectrice mais je ne regrette pas d’y avoir consacré un peu de mon temps car celui-ci fut fort agréable. Et comme le style de l’auteur n’y était intense que par touches, je suis d’autant plus en manque et j’ai envie de me jeter sur un autre livre de Karine Giebel très, très vite.

« Hier soir, j’étais avec une autre femme que vous. Mais je ne sis pas restée longtemps avec elle. Juste le temps de la tuer… »

Une nouvelle inédite 

Cette réédition de Terminus Elicius s’accompagne d’une nouvelle inédite, intitulée Aurore, qui relate l’histoire de deux adolescents, Alban, jeune homme malheureux et rejeté au lycée, et sa soeur Aurore, mélancolique et aux idées suicidaires. J’ai apprécié les échos qu’avaient cette nouvelle avec l’histoire du roman, les personnages se croisant d’ailleurs. J’ai compris l’intérêt de ce court récit qui nous donne un nouvel éclairage d’Elicius, à sa manière, et qui, aussi, nous plonge plus intensément dans le style de l’auteur. Bien que fort courte, cette nouvelle a été une bonne conclusion au livre.

« Être comme les autres… Entrer dans le moule, même s’il est trop étroit pour nous. Ne dépasser ni en hauteur, ni en largeur, n’avoir aucun relief, aucune aspérité que les autres pourraient saisir pour vous mettre à terre et vous rouer de coups. » (extrait de la nouvelle Aurore)

En bref, Terminus Elicius est un premier roman et reste à considérer comme tel. J’ai passé un très bon moment à lire ce thriller et la nouvelle qui accompagne l’édition et, même si ce récit n’est pas forcément inoubliable, il peut donner une idée du style de l’auteur à de nouveaux lecteurs sans trop les effrayer avant le déferlement de violence des autres livres.

«Toujours le même trajet. Istres-Marseille. Marseille-Istres. Sa mère, son travail. La vie de Jeanne est en transit. Elle la contemple en passager. Une lettre suffira à faire dérailler ce train-train morose : « Vous êtes si belle, Jeanne. » Glissée entre deux banquettes, elle l’attendait. Une déclaration. D’amour. De guerre. Car l’homme de ses rêves est un monstre, un tueur sans pitié. Elle sera sa confidente, son épaule. Il sera son âme soeur, son dilemme. Le terminus de ses cauchemars…»

(Photographie de couverture: © Kenji Lau ; © Altrendo Travel)

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