La nuit du faune

Après l’immense succès de Latium (Grand prix de l’imaginaire, Chrysalis Award et Prix Futuriales révélation 2017), Romain Lucazeau revient en ce mois de septembre avec un nouveau roman édité chez Albin Michel Imaginaire et intitulé La nuit du faune. Déjà annoncé comme un chef-d’oeuvre monumental dans la plupart des premières critiques à son sujet, c’est un roman qui me faisait très envie pour son mélange des genres du conte et de la science-fiction. Mais il me faisait aussi terriblement peur depuis mon abandon catégorique du précédent roman de l’auteur, pourtant, lui aussi, catégorisé comme chef-d’oeuvre. Alors, suis-je arrivée au bout de la lecture cette fois?…

[NB: Je remercie les éditions Albin Michel Imaginaire pour ce service presse.]

« La marée montante de la gravité l’emporta, tandis que la beauté de l’astre convoquait tout autant ses compagnons, et ils se turent, happés, près, plus près encore, jusqu’à se dévêtir des spécificités de leur moi, dans un renoncement qui fut comme une offrande.

Ils plongèrent.

Ils furent l’étoile.»

Une œuvre fascinante

La nuit du faune est indéniablement un roman original et d’une grande richesse tant intellectuelle qu’esthétique. Démarrant comme un conte (une enfant, un faune, un voyage dans les étoiles le temps d’une nuit), il prend rapidement une dimension philosophique assez grandiose qui s’accompagne de notions de hard-science de plus en plus présentes au cours de ce voyage initiatique et vertigineux à travers l’immensité de l’espace et du temps. Sous une plume complexe et riche qui verse quantités de savoirs et de références littéraires, Romain Lucazeau nous propose un voyage troublant et dense à la rencontre des civilisations étranges mais aussi de nous-mêmes. Réflexions sur le savoir, l’immortalité, l’éternel retour ou encore la métaphysique, La nuit du faune est un roman riche de sens et de messages qui s’accompagne d’une rêverie poussée empreinte de physique quantique, de théorie des cordes et de matière noire. Je conçois que toutes personnes ayant le bagage intellectuel suffisant soit épatée et conquise. Mais si c’est un roman qui peut fasciner et exalter, il en frustrera aussi plusieurs qui, comme moi, auront eu le sentiment d’être largués pendant l’essentiel de la ballade.

« Sous la permanence invincible et glacée des choses, en des niches et recoins difficiles à déceler, cachés à l’observateur superficiel, des brides de poésie chantaient leur étonnement d’ère ou d’avoir été.»

…Mais qui m’a laissé de côté en chemin

Cette fois, contrairement à Latium, je suis parvenue au bout de ma lecture et ce pour deux raisons. D’une part, parce que malgré ma frustration de ne pas tout saisir (pour ne pas dire de ne rien saisir vraiment), j’y ai trouvé de la beauté et de la poésie qui, au départ surtout, m’a convaincue de poursuivre. Un sense of wonder qui parsème le roman et nous accroche malgré son côté nébuleux. D’autre part, et c’est à mon avis la raison essentielle, parce qu’il est beaucoup plus court que ne l’est Latium. Je suis certaine que si La nuit du faune avait fait 100 pages de plus, je n’aurai pas eu le courage d’arriver au bout. La fin du voyage a en effet été très pénible pour moi parce que les notions de hard-science sont de plus en plus présentes et alourdissent le texte pour le rendre trop complexe. L’intrigue, elle-même, n’étant qu’un prétexte au déversement de réflexions et de savoirs a fini par me lasser, tout comme l’écriture, dont le merveilleux m’avait pourtant plu au départ. Progressivement, le style m’a semblé assez indigeste car trop alambiqué, offrant des longueurs qui perdaient en charme et bloquaient mon immersion. Je conçois que si l’on aime la plume de Romain Lucazeau, très atypique et intellectuellement très riche, la lecture nous enchantera. Mais pour moi, malheureusement, j’ai eu le sentiment d’avoir été laissée de côté pendant la ballade, aussi perdue que ce faune et, parfois, aussi désespérée de rentrer…

En bref, je suis déjà heureuse d’avoir enfin terminé un livre de Romain Lucazeau tout en sachant malheureusement que je ne réitérerai probablement pas l’expérience. La nuit du faune est un roman vertigineux, riche, original et impressionnant qui peut créer une véritable fascination tant la plume est travaillée et la quantité de savoirs et de références est impressionnante. Mais si le style d’écriture ne nous accroche pas et qu’on ne possède pas les connaissances nécessaires pour entreprendre le voyage, on passe à côté avec un sentiment de frustration plutôt décevant…

« Au sommet d’une montagne vit une petite fille nommée Astrée, avec pour seule compagnie de vieilles machines silencieuses. Un après-midi, elle est dérangée par l’apparition inopinée d’un faune en quête de gloire et de savoir. Le faune veut appréhender le destin qui attend sa race primitive. Astrée, pour sa part, est consumée d’un ennui mortel, face à un cosmos que sa science a privé de toute profondeur et de toute poésie. Et sous son apparence d’enfant, se cache une très ancienne créature, dernière représentante d’un peuple disparu, aux pouvoirs considérables. À la nuit tombée, tous deux entreprennent un voyage intersidéral, du Système solaire jusqu’au centre de la Voie lactée, et plus loin encore, à la rencontre de civilisations et de formes de vies inimaginables.»

(Illustration de couverture: © Anouck Faure)

D’autres avis dans la blogosphère: L’épaule d’Orion, Le culte d’Apophis & Les lectures du Maki sont conquis, Fourbis et Têtologie s’est également perdue en chemin comme moi, Les histoires de Lullaby est plutôt épatée par ce roman…

* Lecture pour le #PAC Pumpkin Autumn Challenge 2021 de Guimause: Menu Automne des mystères - catégorie Les ruines de l’Atlantide *