Un reflet de lune

En janvier, les éditions ActuSF publiaient un nouveau roman d’Estelle Faye intitulé Un reflet de lune. Histoire annoncée indépendante mais se déroulant dans le même univers qu’Un éclat de givre (paru chez Les moutons électriques puis chez FolioSF) que j’avais adoré, Un reflet de lune nous fait retrouver l’inoubliable Chet dans un objet-livre magnifique de la collection collector de la maison d’édition. Et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Un immense merci aux éditions ActuSf pour cet envoi et pour avoir patienté nerveusement avec moi quand la poste faisait des siennes.]

« Je pars à la recherche d’une république pirate comme dans les livres de la Sorbonne. C’est absurde et c’est sans doute ce que j’ai de plus important, en ces jours étranges. Des rêves. De l’espoir. Et un débardeur déchiré.»

I fall in love too easily…

Difficile d’être subjective quand mon coeur s’emballait déjà à l’idée de retrouver cette gueule d’amour de Chet, anti-héros malmené par les évènements, amoureux aux crush à répétition, voix musicale fêlée d’émotions sous les traits de Thaïs, incapable de rester en place ou de trouver sa place… C’est un personnage difficile à oublier, tout comme sa ville, son Paris, noyée sous ses plantes GM mais rendue sublime sous le regard de Chet et la plume d’Estelle Faye qui arrive à rendre cette ville que je déteste sublime, même puant la vase! On retrouve ici avec joie cette ambiance langoureuse et poétique qui m’avais tant plu dans Un éclat de givre. C’est envoûtant! Estelle Faye parvient à écrire un roman comme une chanson de jazz, entre swing, mélancolie et sensibilité sans s’encombrer de mélodrame. Et si la musique paraît moins centrale dans ce roman que dans le premier, elle est pourtant partout dans le rythme, dans les mots et dans les émotions de Chet. C’est un roman d’ambiance plus qu’une aventure, une errance bousculée dans un univers post-apo superbe. Et moi c’est tout ce que j’aime.

« Je caresse du bout des doigts la surface humide, comme pour retenir mon image. En vain. Il fait déjà plus clair dehors qu’à l’intérieur. Le reflet disparaît. Comme si je n’existais que la nuit.»

Maintenant qu’il pleut sur sa ville…

Dans Un reflet de lune, Estelle Faye a décidé de bien malmener le pauvre Chet en le confrontant à une intrigue qui ne lui laissera que peu de temps pour reprendre son souffle. Critiques de l’obscurantisme, illustrations de la bêtise humaine et de ces perversions, cette histoire le fera balloter par les évènements (oui Chet est une victime consentante) et l’amènera dans de nouveaux lieux de ce Paris post-apo. Attention cependant, bien que l’intrigue est indépendante et annoncée comme telle, je pense qu’il est nécessaire d’avoir lu Un éclat de givre avant pour apprécier pleinement la lecture. Car si l’histoire est différente, les sentiments de Chet et ses références au passé et aux personnes qui ont fait ce qu’il est aujourd’hui doivent paraître obscures à celles et ceux qui le découvrent ici. Aelinel soulève d’ailleurs ce point dans son avis très éclairant. On passe alors évidemment à côté de ce qui fait battre le coeur à la lecture, de ce qui fait l’âme des romans de cet univers: la ville, Chet et les sentiments. Le final, tout en émotions, laisse supposer une suite que je ne peux qu’espérer grandement! J’aime trop Chet pour lui dire adieu…

« Ma ville se meurt et si cela continue, nous, ses habitants, seront bientôt voués à disparaître, comme ces fabuleuses créatures éteintes dont il ne demeure que les os à la Galerie de l’Evolution. Ou sans doute reviendrons-nous en fantômes, telles des silhouettes échappées de la bande d’un film, des spectres tronqués incapables de se rappeler s’ils se trouvent au début de l’histoire, au milieu ou à la fin.»

En bref, j’ai adoré ma lecture d’Un reflet de lune qui reprend tout ce qui m’avais enthousiasmé dans Un éclat de givre. La plume d’Estelle Faye est poétique et mélancolique, Chet est un anti-héros inoubliable qu’on adore voir souffrir autant qu’on a envie de le voir heureux et amoureux, et l’ambiance et l’univers sont envoûtants. Attention, si l’intrigue est indépendante, il me semble malgré tout nécessaire d’avoir lu Un éclat de givre avant pour apprécier pleinement cette lecture.

« Paris, un siècle après l’apocalypse. La capitale est plongée dans les pluies de printemps et Chet, dans une affaire qui le dépasse. Des sosies apparaissent pour lui faire porter le chapeau de crimes dont il est innocent. Du lagon du Trocadéro au repaire lacustre des pirates de la Villette, Chet arpente les bords de la Seine en crue à la recherche de ces mystérieux doubles, autant que de lui-même.»

(Couverture: © AMMO)

[Diversité: pp bisexuel.le, pp travesti.e, ps gay, ps noir.e]

Alcool, Homophobie, Meurtre, Mort, Sang, Sexe, Viol

D’autres avis sur cette édition dans la blogosphère: La bibliothèque d’Aelinel, Au pays des cave trolls, Book en stock, Fantasy à la carte, Sometimes a book, …

[Lecture n°18/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]

* Lecture pour le challenge ABC de l’Imaginaire 2021 de Mariejuliet : lettre F *