Je suis fille de rage

Après deux coups de coeur pour les deux premiers romans de l’auteur, Royaume de vents et de colère et Boudicca, il était évident que j’allais lire la dernière parution de Jean-Laurent del Socorro aux éditions ActuSF. Intitulé Je suis fille de rage, ce nouveau roman est paru le mois dernier dans la collection Les Trois souhaits dans une version absolument sublime. Son histoire se déroule durant la Guerre de Sécession des Etats-Unis et voici ce que j’en ai pensé…

« Les hurlements d’un homme qui agonise sont les mêmes, quelle que soit la couleur de son uniforme ou de sa peau. »

Une fresque époustouflante

Si Jean-Laurent Del Socorro avait déjà prouvé dans ses romans précédents qu’il savait nous faire vivre une époque de l’histoire de manière passionnante, et qu’il avait également le don de nous rendre attachants une belle galerie de personnages, il prouve ici sa capacité à faire ces deux choses sur une période de plusieurs années, se déroulant sur un territoire assez immense et avec une quantité d’évènements et de protagonistes ahurissante. Réussir à raconter un roman pendant la Guerre de Sécession était un pari osé mais c’est un pari rempli! C’est une période qui, en plus d’être plutôt méconnu de notre côté de l’Atlantique, est très intense et se déroule sur 5 années. La fresque historique qu’il déploie est bel et bien d’une richesse folle et nous entraîne, non seulement à la rencontre des personnages historiques principaux mais aussi de tout un florilège d’anonymes qui, sous la plume de l’auteur, deviennent tout aussi importants que les généraux de cette guerre sanglante. C’est un roman qui, malgré l’ampleur de son ancrage historique, réussit à rester à échelle humaine et donne à cette période sombre de l’histoire toute son âme. C’est là l’oeuvre de l’immense talent d’un auteur qui rappelle que derrière les faits historiques majeurs il y des êtres humains. La question de l’humanité, et plus de celle de la liberté, sont d’ailleurs centrales dans ce roman qui illustre merveilleusement l’absurdité des guerres et la violence des combats qui opposent des hommes et des femmes qui sont, malgré la couleur de leur uniforme, tout à fait similaires. Une guerre qui massacre les vies et détruit les rêves. Le tour de force de l’auteur est aussi de nous parler de cette période sans prendre d’autres partis que celui de la paix et de la liberté. Pas de biais de jugement donc mais une pluralité de points de vue passionnante.

« Aujourd’hui, nous avons tout perdu : des vies, l’espoir de nous réconcilier et du temps qui ne se rattrapera plus désormais que dans le sang. Et notre humanité, enfin, si l’on peut encore en avoir quand on commande à des êtres vivants d’en tuer d’autres. »

Une écriture magistrale

Je ne suis pourtant pas amatrice de romans historiques, mais Jean-Laurent Del Socorro a bien le don de me faire changer d’avis. Son écriture d’une poésie époustouflante et d’une élégance rare y est évidement pour beaucoup. Je suis fille de rage est un petit bijou d’écriture! C’est à la fois très littéraire et très accessible, et surtout, c’est une plume très puissante. L’ajout de textes historiques réels traduits par l’auteur est un plus non négligeable qui permet de comprendre le contexte historique. L’intervention fantastique de la Mort dans ce roman est une idée lumineuse qui à une puissance évocatrice elle aussi très forte. Chacune de ses interventions est marquante et donne encore de l’ampleur à l’intensité de l’histoire. Elle s’inscrit finalement plutôt naturellement dans cette période sanglante. Enfin, la grande force de cet auteur vient aussi de sa capacité à nous faire aimer des personnages tous très nuancés malgré leur très grand nombre. Même si certains n’apparaissent que sur quelques pages des 536 du livre, tous apportent quelque chose de très humain et de touchant. J’ai particulièrement aimé Minuit, mais aussi Kate, Caroline, ou encore David. Chaque âme de cette histoire a une place aussi importante que les autres à mon sens. Aucun, en tout cas, ne m’aura laissé indifférente, même les plus détestables ni même ceux qui n’ont pas le temps d’être nommé et font parti des empilements de cadavres anonymes. A noter enfin que le roman s’accompagne d’une très bonne petite nouvelle sur Henry Brown dont j’avais découvert l’histoire dans l’album Henry et la liberté.

« Les hommes ont toujours le verbe long, mais la mémoire courte quand ils réalisent, trop tard, le prix des âmes dont ils ont coupé les fils avec leurs propres mots. »

En bref, Je suis fille de rage rejoint les deux premiers romans de Jean-Laurent Del Socorro dans le clan des coups de coeur. La fresque historique proposée est époustouflante, la plume magnifique, les personnages bouleversants… Un magnifique roman pour la liberté, la paix et l’humanité. 

« 1861 : la guerre de Sécession commence. À la Maison Blanche, un huis clos oppose Abraham Lincoln à la Mort elle-même. Le président doit mettre un terme au conflit au plus vite, mais aussi à l’esclavage, car la Faucheuse tient le compte de chaque mort qui tombe. Militaires, affranchis, forceurs de blocus, politiciens, comédiens, poètes... Traversez cette épopée pour la liberté aux côtés de ceux qui la vivent, comme autant de portraits de cette Amérique déchirée par la guerre civile. »

(Illustration de couverture : © AMMO)

- Lecture pour le Challenge #HMSFFF - Novembre 2019: bad ass au féminin -

* Lecture #PumkinAutumChallenge : Menu « Automne Frissonnant »  - Catégorie « Les os de Davy Jones » *

Ce livre fait parti des 20 sélectionnés du Prix Littéraire de l’Imaginaire Booktubers app 2020 #PLIB2020 #ISBN9782366294774 #ISBN:9782366294774