Station Metropolis direction Coruscant: villes, science-fiction et sciences sociales

Station Metropolis et direction Coruscant est un essai écrit par Alain Musset qui interroge la ville et les sciences sociales en science-fiction. Il s’agit de la troisième parution de la collection Parallaxe des éditions Le Bélial’ qui vise à faire dialoguer sciences et science-fiction à travers des thématiques diverses abordés par des scientifiques de renoms. Et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Un grand merci aux éditions Le Bélial’ pour cette surprise dans ma boîte aux lettres et la confiance qui m’est accordée avec!]

« Aujourd’hui, alors que le citadin apparaît de moins en moins comme un citoyen et de plus en plus comme un simple consommateur d’espaces et de territoires urbains, s’interroger sur ce que représente la ville dans nos sociétés modernes devient une nécessité à la fois sociale, culturelle et politique dont la science-fiction a su s’emparer. »

Un essai très documenté mais parfaitement accessible

Alain Musset nous propose ici un essai assez large sur les villes en science-fiction, qu’elles soient des mégalopoles vertigineuses, des villes s’enfonçant au coeur de la Terre, des villes monstrueuses ou même des villes monde. L’auteur aborde non seulement la construction physique de ces villes du futur et/ou de l’ailleurs mais également les inégalités sociales, la criminalité, la consommation ou bien encore la politique et l’oppression qui les façonnent. Se basant non seulement sur des recherches passées et actuelles en sociologie et urbanisation, Alain Musset interroge ces questions à travers de nombreuses références culturelles (livres, films, jeux vidéo…) de science-fiction. Il parvient d’ailleurs à nous rendre accessible ces références même si nous ne les avons pas lu/vu (il évoque par exemple beaucoup Coruscant, mais même sans avoir lu les oeuvres de l’univers Star Wars j’ai eu l’impression de me balader dans cette ville planétaire). De même, tout le propos  "sciences sociales" reste parfaitement lisible même sans grandes notions dans les domaines abordés. J'ai trouvé l'écriture limpide, agréable et le propos très enrichissant.

« En fait l’urbanophobie affichée de la science-fiction n’est peut-être qu’une ruse pour nous inciter à ne pas faire de la ville future un enfer sur Terre…»

Un sujet vaste

Parler des villes en science-fiction n’est pas une mince affaire et Alain Musset exploite différentes thématiques assez importantes autour de la ville. J’ai particulièrement apprécié les questions d’inégalités sociales, que ce soit abordé du point de vue géographique (la verticalité des villes et les quartiers fermés réservés aux élites ou séquestrant la misère) ou sociologique mais également la partie sur la consommation qui a évidemment fait écho à Bonheur™ de Jean Baret. C’était véritablement passionnant à parcourir et ces propos permettent de mettre en perspective les dénonciations d’une science-fiction urbanophobique avec notre réalité. Je rejoins cependant le regret émis par Lune dans sa critique sur l’absence de l’évocation la place de la femme dans la ville qui aurait pu être abordé en tant qu’inégalité sexiste voire dans la partie criminalité pour la figure de la prostituée par exemple. Mais je salue également l’auteur pour son écriture inclusive dans cet essai. Certains sujets mériteraient peut-être un approfondissement  plus poussé tant il y a à dire mais l’auteur nous donne toutes les références nécessaires à la poursuite de cette étude par le biais de notes et d’une bibliographie assez conséquente. Si j’ai noté quelques références sur le sujet que je vais prendre plaisir à consulter, j’ai aussi noté beaucoup de références culturelles à découvrir. Et cela prouve, in fine, que cet essai a fait son job: aiguiser ma curiosité et me donner envie de poursuivre. Saluons enfin le très beau travail éditorial sur cet ouvrage à l’identité graphique forte et très agréable.

En bref, Station Metropolis direction Coruscant est un essai très riche et fortement documenté, accessible à tous et passionnant à découvrir. On y apprend beaucoup et ça donne furieusement envie de poursuivre cette étude mais aussi et surtout de découvrir les références culturelles citées.

« Depuis la fameuse Metropolis de Fritz Lang jusqu'à la cité-planète de Coruscant dans Star Wars, en passant par les mégalopoles étouffantes de Soleil vert ou Blade Runner, les villes du futur, réelles ou imaginaires, semblent concentrer les maux : démesure et surpopulation, violence et oppression, pollution et ghettoïsation… La science-fiction aurait-elle peur des villes ? N'y aurait-il de salut que dans leur destruction ?

Telles sont les interrogations soulevées par Alain Musset, géographe et directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, qui nous livre ici un ouvrage référencé et engagé. Alors que les prévisions indiquent que deux personnes sur trois habiteront dans des centres urbains à l'horizon 2050, il devient crucial de déterminer comment mieux habiter et vivre ensemble. Or en la matière, la science-fiction sait nous indiquer le chemin pour ne pas faire des villes un enfer sur Terre…»

(Illustration de couverture : © Cédric Bucaille)