Mes ruptures avec Laura Dean

Paru le 27 mai dernier chez Rue de Sèvres, Mes ruptures avec Laura Dean est un roman graphique écrit par l’autrice canadienne Mariko Tamaki et illustré par Rosemary Valero-O’Connell à propos d’un relation amoureuse très douloureuse à cause d’une partenaire manipulatrice. N’étant pas porté sur les histoires d’amour (saines ou non), j’ai crains cette lecture. Mais sa représentation de différentes orientations sexuelles et son esthétique toute particulière m’ont convaincue de lui laisser une chance. Voici donc ce que j’en ai pensé…

[NB: Je remercie les éditions Rue de Sèvres pour cet envoi surprise.]

« Bien entendu, je sais que des militants LGBTQIA se sont battus pendant des siècles pour que j’aie le droit de tout foirer comme ça. 

Je me rends bien compte que je devrais leur savoir gré d’avoir la possibilité de me faire larguer et publiquement humilier de la même façon que mes amis hétéros.»

Une relation amoureuse désastreuse comme toutes les autres

Avant toute chose, si comme moi le rose vous rend allergique et que tout ce qui ressemble à de la romance, de près ou de loin, vous file des boutons, vous pouvez vous rassurer: Mes ruptures avec Laura Dean contient certes du rose mais il n’est ni niais, ni mielleux, ni rébarbatif. Et si le sujet central tourne effectivement autour d’une relation malsaine, le point de vue adopté oriente la BD plutôt vers un récit d’émancipation et de reconstruction de soi face à du vampirisme psychique. Important à souligner, la relation de Freddy et Laura est une relation homosexuelle mais elle n’est jamais stigmatisée sur cet aspect-là. Exit les questions de coming out, les personnages dans le doute ou honteux, Mes ruptures avec Laura Dean présente une histoire d’amour comme toutes les autres avec des personnages qui s’assument tel.le.s qu’iels sont. Que cette relation soit homosexuelle permet d’avoir une représentation bienvenue mais ne change en rien l’intrigue. Et ça, c’est tellement rare qu’il est essentiel de le souligner. Freddy est dans une spirale qui la détruit petit à petit et cet aspect psychologique est traité avec beaucoup de finesse. Juste, touchante, cette BD est captivante et aborde des sujets beaucoup plus profond que ce que j’avais imaginé, gravitant autour de cette relation malsaine. L’histoire de Doodle m’aura tout particulièrement marquée tant elle est bien abordée. J’en ai été bouleversée et je ne regrette absolument pas d’avoir dépassé mes a-priori pour lire ce roman graphique.

« Il y a deux légendes sur le sujet que j’aimerais aborder ici, parce que ça peut être utile. La première dit qu’une rupture doit se faire proprement. Et la seconde qu’on ne rompt avec l’autre qu’à la seule et unique condition de ne plus l’aimer.»

Un style graphique épatant

D’abord réticente sur l’utilisation du rose comme fil conducteur, je dois avouer qu’après quelques pages j’ai revu ma façon de penser. Rosemary Valero-O’Connell a un style bien à elle qui est très marqué et très intéressant. Noir et blanc ponctué de touches de rose, cette BD est un petit bijoux esthétique (dont vous pouvez voir quelques superbes exemples sur le site de l’illustratrice). Il y a beaucoup d’élégance qui se dégagent de ces planches, beaucoup de justesse, une certaine pudeur aussi. C’est toute une ambiance et une palette d’émotions que nous offre Rosemary Valero-O’Connell. Certaines illustrations sont en effet absolument renversantes et les personnages sont si réalistes dans leurs attitudes et dans leur look que tou.te.s nous marquent durablement. Ajoutons aussi que côté représentativité, les illustrations apportent elles aussi leur pierre à l’édifice. 

En bref, malgré tous mes a-priori, Mes ruptures avec Laura Dean aura été une belle lecture! L’esthétique est très intéressante et l’histoire juste et bien écrite. 

« Lorsque Frederica Riley (Freddy) est sortie avec Laura Dean, la plus populaire, drôle et attirante fille du lycée, ce fût l’un des plus beaux jours de sa vie. Depuis, tout a changé…Laura est devenue autocentrée et manipulatrice. Elle ne cesse de quitter Freddy, qui finalement revient toujours vers elle. Cette relation toxique basée sur le « je t’aime, moi non plus » est malsaine, mais c’est plus fort qu’elle, Freddy ne sait pas lutter contre l’attraction magnétique et l’emprise que Laura exerce sur elle. Pour garder un minimum de dignité et ne pas perdre son amie, Doodle, qu’elle délaisse, Freddy cherchera de l’aide auprès de ses proches, d’une chroniqueuse du courrier du coeur et même d’un médium. Frederica saura-t-elle se sortir de cette histoire passionnelle  qui la rend aussi malheureuse que dépendante ?»

(Illustration de couverture & extrait: © Rosemary Valero-O’Connell)