Les maîtres enlumineurs (#1)

Robert Jackson Bennett publiait en 2018 le premier tome d’une trilogie de fantasy: Foundryside. Le succès critique a été au plus qu’au rendez-vous et sa sortie en VF prévue fin du mois devrait faire grand bruit également vu les premiers retours dithyrambiques. Traduit sous le titre Les maîtres enlumineurs par Laurent Philibert-Caillat, c’est publié aux éditions Albin Michel Imaginaire et ça sort le 31 mars. Voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Je remercie les éditions Albin Michel imaginaire et notamment Gilles Dumay pour cet envoi.]

« Tout compte fait, Sancia n’aimait pas exactement sa capacité; elle était aussi restrictive et douloureuse qu’avantageuse. Mais elle l’avait aidée à rester en vie. Et ce soir, avec un peu de chance, elle allait la rendre riche.»

Quand le cyberpunk devient magique

Ne vous y trompez pas, Les maîtres enlumineurs est bel et bien un roman de fantasy pur et dur. Mais Robert Jackson Bennett a réussi un sacré tour de force en proposant un système de magie qui n’est pas sans évoqué des notions du genre cyberpunk avec des formes de transhumanisme, d’intelligence artificielle, de programmation et d’hacking. Brillant, le principe des enluminures est la base de son univers et constitue le véritable attrait dans ce roman. Il consiste à utiliser un système de « runes » qui vont modifier les propriétés physiques des objets, les persuadant qu’ils sont, par exemple, plus lourds, plus solides, etc. Robert Jackson Bennett a poussé sa réflexion jusqu’au bout pour un système ultra cohérent et abouti qui est épatant et qui se révèle progressivement à la lecture pour bien en saisir tous les tenants et aboutissants. Il donne à son univers de fantasy une ambiance toute particulière qui en fait la saveur. Il y aussi de belles réflexions dans ce roman grâce à ces enluminures sur les notions de libre arbitre, de liberté et un certain vent de révolte souffle sur un système de classes traditionaliste et inégalitaire comme dans tout univers de cyberpunk. Robert Jackson Bennett fait ainsi le point entre les genres de la SFFF ce qui convaincra à la fois les férus de fantasy mais aussi ceux qui sont plutôt tournés vers de la science fiction à l’origine. Chapeau!

« Tu es une… une…»

< Une quoi? >

« Une… » Elle déglutit péniblement. « Une clé. »

< Je suis une clé. Oui. Je pensais que c’était assez clair. >

«  D’accord, mais… une clé qui parle. »

< Oui. Et tu es une fille crasseuse qui m’entend >, dit la voix dans son oreille. < Je parle depuis bien avant ta naissance, petite, alors en fait, c’est moi qui suis normal, ici. >

Une intrigue qui prend le temps de s’installer

Peut-être est-ce la faute à la pluie de compliments que le roman engendre, mais j’avoue avoir été un peu déçue au début de ma lecture. Si le roman reste bon, voir même très bon, son début un peu trop classique et un peu trop lent à s’amorcer véritablement, ce qui m’a légèrement déstabilisée. C’est tout le problème quand on espère lire un chef-d’oeuvre… Le  souci de ce roman c’est que, derrière son système de magie absolument génial, l’intrigue, elle, pèche un peu. Elle démarre sur un scénario très classique, avec un vol qui tourne mal. Puis, très répétitive, elle suit une évolution proche d’un jeu vidéo où s’enchaîne des missions de niveau de plus en plus difficile entraînant un sentiment de répétition qui peut lasser. Certaines révélations tardent aussi un peu à arriver et perdent de leur effet de surprise car la lectrice/le lecteur les a déjà comprises avant les protagonistes. Heureusement, l’humour et les personnages finissent par nous emporter et nous accrocher à la lecture (même si, pour moi, c’est arrivé seulement après 300 pages…). Cela reste malgré tout un très bon roman, intelligent, dynamique et divertissant qui nous propose un univers très intéressant et des personnages plein de relief aux personnalités assez attachantes. À noter aussi une belle diversité qui s’inscrit avec beaucoup de naturel dans l’intrigue et une belle place pour les personnages féminins! Il fallait juste que je descende mes attentes à son propos pour mieux en profiter.

En bref, Les maîtres enlumineurs est indéniablement un très bon roman dont la grande force est son système de magie qui intègre avec brio des notions de cyberpunk dans un véritable univers de fantasy. L’intrigue est assez classique et le roman met un peu du temps à démarrer mais l’humour et les personnages bien nuancés finissent par nous emporter à la lecture. 

« Toute l’économie de l’opulente cité de Tevanne repose sur une puissante magie : l’enluminure. À l’aide de sceaux complexes, les maîtres enlumineurs donnent aux objets des pouvoirs insoupçonnés et contournent les lois de la physique. Sancia Grado est une jeune voleuse qui a le don de revivre le passé des objets et d’écouter chuchoter leurs enluminures. Engagée par une des grandes familles de la cité pour dérober une étrange clé dans un entrepôt sous très haute surveillance, elle ignore que cet artefact a le pouvoir de changer l’enluminure à jamais : quiconque entrera en sa possession pourra mettre Tevanne à genoux. Poursuivie par un adversaire implacable, Sancia n’aura d’autre choix que de se trouver des alliés.»

(Illustration de couverture : © Didier Graffet)

[Diversité: pp lesbienne, ps lesbienne, pp végan.e]

Alcool, Cicatrice, Classisme, Défiguration, Esclavagisme, Meurtre, Mort, Sang, Torture

D’autres avis sur la blogosphère : L’épaule d’Orion, Albédo, Les lectures du Maki, Lorhkan, La bibliothèque d’Aelinel, Au pays des cave trolls, Le culte d’Apophis (VO), Les chroniques du chroniqueur (VO)

[Lecture n°29/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]