Les cartographes

Sorti à la toute fin du mois de mars, Les cartographes est le second roman de Peng Shepherd à paraître aux éditions Albin Michel Imaginaire. Après un immense coup de cœur pour son premier titre, Le livre de M, il me tardait de me replonger dans l’imaginaire de l’autrice. Elle nous embarque cette fois dans un thriller fantastique, et voici ce que j’en ai pensé…

« Nous voulions entreprendre quelque chose qui rappellerait au monde que les cartes ne sont pas seulement utiles, qu’elles sont choses merveilleuses et puissantes.»

De la magie des cartes

Les cartographes diffère complètement du Livre de M en s’ancrant majoritairement dans le réel et le présent pour un thriller, certes teinté de fantastique, mais moins poussé dans l’imaginaire que ne pouvait l’être son premier roman. Haletant, plus rythmé que Le livre de M, on a ici un livre efficace qui pose tout de même au centre de son intrigue un mystère fantastique qui teinte le réel de magie. Peng Shepherd semble vouloir verser un peu d’irréel et d’onirisme dans le monde par ses romans, en redonnant le droit de rêver. Elle le fait brillamment ici en faisant des cartes un univers fascinant, tant par la passion des protagonistes que par la magie qui y prend forme. Mais thriller oblige, on est ici assez loin de la poésie magnifique que j’avais souligné dans Le Livre de M. Il m’a manqué cette flamme, cet onirisme et ces émotions que j’avais ressenti dans son premier roman. Plus « sage » , Les cartographes est surement plus grand public et peut servir de porte d’entrée dans l’univers de l’autrice mais manque, pour moi, de l’originalité et du fabuleux qui se dégageait de sa première œuvre. Le roman est néanmoins très bon mais souffre de la comparaison avec la beauté poétique du Livre de M que je n’oublierai pas de sitôt.

« - Nell, à quoi sert une carte? demanda-t-il à voix basse.

Elle soupira. Cette question, elle ne la connaissait que trop. Son père la lui posait invariablement lorsqu’elle se perdait dans les méandres des spécificités techniques d’un document donné, au point de heurter les chercheurs avec lesquels elle était censée coopérer et, dans son désir de suivre sa propre voie, de faire capoter le projet commun. La bonne réponse était ‘Rassembler les individus’.»

Secrets et liens

Avec cette intrigue, Peng Shepherd explore à nouveau les liens humains et de leur importance. Ne serait-ce que par son point de vue sur les cartes et leur utilité, à savoir rassembler les gens, elle promeut avec force la beauté de l’amitié et de l’amour dans l’équilibre d’une vie et dans la construction des rêves. En suivant Nell, héroïne coupée de tous ses proches, soit par la mort soit par des conflits non résolus, nous explorons ces liens et questionnons le regret. Secrets de famille, secrets du passé, le thriller questionne autant le mystère de l’enquête que l’humanité et trace deux lignes d’histoire, celle du présent, sous haute tension, et celle d’un passé entre rêves, projets et trahisons. Très efficace, c’est un roman qu’on a envie de dévorer rapidement (quand bien même certains personnages manquent un peu d’épaisseur à mon sens) et qui arrive à nous surprendre pour mieux nous accrocher. Je regrette tout de même de ne pas avoir réussi à développer d’empathie pour Nell et d’être ainsi passée à côté de toute l’émotion du roman. 

En bref, Les cartographes est un thriller fantastique très efficace, bien rythmé où Peng Shepherd parvient à verser un peu de magie dans le réel. Son intrigue sous tension explore les liens et les secrets tout en rendant hommage au monde de la cartographie. Plus grand public que son premier roman, il manquait cependant pour moi de la poésie et de l’émotion qui se dégageait du Livre de M et qui le rendait si inoubliable.

« Cela fait trente ans que Nell a perdu sa mère. Et voilà maintenant que son père, le Dr Young, un célèbre cartographe de la New York Public Library, est retrouvé mort dans son bureau. Elle l’adorait et voulait prendre sa suite, mais la famille, c’est parfois très compliqué. En fouillant dans les affaires du défunt, elle trouve, bien cachée, une carte routière. Nell se souvient parfaitement de cette maudite carte. Elle lui a valu une engueulade homérique et lui a coûté sa carrière auprès de son père. En reconstituant cet événement avec un regard neuf, elle ne tarde pas à se rendre compte que le document comporte une erreur singulière, une signature pour ceux qui sont initiés à l’art de la cartographie. Pour percer ce mystère, la jeune femme contacte certains amis de ses parents. Trente ans plus tôt, ils formaient un groupe de sept personnes, très soudé : les Cartographes. Qu’ont-ils découvert ? Quels crimes ont-ils commis contre la réalité ? /»

(Illustration de couverture: © Timothée Mathelin)

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