Les Bras de Morphée

Sorti le 28 mars dernier, Les Bras de Morphée est la nouvelle parution des éditions de L’Homme Sans Nom dans leur collection Sci-Fi et le premier roman de l’auteur Yann Bécu. Partant d’une idée assez géniale, où les humains sont touchés par une maladie nommée Morphéus qui les fait dormir 20h par jour en moyenne, et promis avec une dose d’humour absurde maîtrisée, c’était un roman qu’il me fallait absolument découvrir. Et voici ce que j’en ai pensé…

« On ne tombe pus dans les bras de Morphée, c’est Morphée qui vous tombe sur la gueule.»

Une idée de base très intéressante!

Résumé du livre: Monde endormi, Morphéus, dormir 20h, Frimousse, professeur de lettres, 12h de veille, troll professionnel, Michel, philosophie, bar Le Dormeur, Berretta perdu à retrouver, deux contrats, antidote?, enquête, test de Turing, absurde, alcool, complots. Si cela ne vous paraît pas clair, je vous conseille de vous familiariser avec la façon de communiquer des Marmottes, entendez par là ceux qui dorment 20h par jour, et vous comprendrez que résumer avec plus de mots ou de liaisons serait une perte de temps. En tout cas, dans ce monde futuriste, c’est à ça que ressemble les cours de lettres qu’enseigne Pascal Frimousse. Dans un monde où le sommeil vous saute à la gorge et réduit de plus en plus votre temps de veille, tout doit aller vite. Pas de temps à perdre. L’univers imaginé par l’auteur est très intéressant puisque ce raccourcissement du temps de veille remet en question tous les pendants de la société et de notre vie quotidienne et Yann Bécu a pensé à tout pour le développer et le rendre crédible. Au point que cela a parfois des conséquences plutôt cocasses comme le fait de dire cash tout ce qu’on pense sans prendre de gants (la diplomatie prend trop de temps!). Ce temps raccourci apporte donc aussi beaucoup de piquant à l’intrigue et aussi une belle dose d’humour qui ne tourne pas autour du pot!

« Une myriade de verres vides quadrille à présent toute la longueur du zinc. Là-dessus, flemmarde, l’absinthe mêle ses brumes vertes aux spirales des clopes. Parfois la porte s’ouvre et d’autres noctambules embarquent, accueillis comme des pachas. On hisse la grande voile. Rien ne presse, la traversée sera longue. Nous passons la soirée les uns dans les paroles des autres, à voguer lentement vers une fontaine.»

Un roman à la fois cynique, surréaliste et poétique

Ce roman, c’est certain, ne manque pas d’humour et, ce, grâce à la plume parfois acide et piquante de l’auteur qui n’hésite pas à nous plonger dans un surréalisme un brin absurde comme je les aime, notamment via le personnage principal. Frimousse est en effet un veinard, il fait partie des 12h (aka 12h de veille par jour) et il a donc du temps pour en faire perdre aux autres. En tant que troll professionnel, il est payé pour faire perdre à d’autres leur temps si précieux. Ce qui l’amène évidemment dans des situations parfois un peu risquées et  son esprit blagueur ne peut que créer des plans foncièrement absurdes. J’ai beaucoup ri en compagnie de Frimousse et des autres personnages, notamment Michel, et les phrases cultes se comptent par dizaines. Mais ce roman n’est pas juste une farce. Il contient aussi beaucoup de moments particulièrement beaux, emportés par la plume parfois poétique de son auteur et de sa culture littéraire foisonnante. Dans ce monde bouleversé, Frimousse et son amour des mots et de la littérature illustre d’ailleurs une sorte de nostalgie douce-amère. On dévore ce livre à la fois pour son univers bien pensé et approfondi, pour son humour qui ne manque pas d’aspérités, mais aussi pour l’envoûtement crée par la plume de l’auteur qui navigue habilement entre le loufoque, le grave et le beau. 

« Proust, j’avais pas pu brûler. Il aurait fait trop froid, après.»

En bref, drôle, passionnant, nostalgique, amour de la littérature, idée originale, absurde maîtrisé, univers approfondi, immersif, accrocheur, fluide, … Ou pour économiser encore plus mon temps de parole, je pourrai tout résume par ceci: Lisez-le!

« À quoi ressemblerait le monde si l’on dormait 20 heures par jour ?  

Voici un futur proche où l’on veille en moyenne quatre heures par jour. En amour, à l’école, au travail, la routine a forcément l’allure d’un sprint : faire vite, faire court, ne pas trop ramener sa fraise… Trois lois sacrées que Pascal Frimousse profane au quotidien. 

Professeur de français désœuvré, il a dû se recycler. 

Avec 12 heures de veille, il est une perle rare. Toujours fauché, souvent libre... Tuer le temps, c'est son nouveau gagne-pain.

Allongez 100 écus, glissez-lui le nom de votre ennemi, il se charge du reste : Frimousse est troll professionnel. Un des meilleurs. 

Vous pourrez dormir sur vos deux oreilles. »

(Illustrations de couverture: © François-Xavier Pavion)

> Lire un extrait < (© L’Homme Sans Nom)

[Lecture n°18/36 (pour l'échelon 3) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 7 de Ma Lectorutothèque]

Livre faisant parti des préselectionnés pour le Prix Littéraire de l'Imaginaire Booktubers app 2020 #PLIB2020 #ISBN9782918541653 #ISBN:9782918541653