L’effet coccinelle

Le 3 juin dernier, les éditions de L’Homme sans nom publiaient le second roman de Yann Bécu intitulé L’effet coccinelle (oui, ici on dit coccinelle, pas papillon). Ayant adoré le premier roman de l’auteur, Les bras de Morphée, qui vient d’ailleurs d’être publié en format poche, je trépignais d’impatience à l’idée de lire ce nouveau roman. J’aurai voulu vous en parler en police Courier new pour faire comme les machines à écrire, mais puisque je n’ai pas cette formidable option, voici ce que j’en ai pensé en police d’écriture parfaitement ordinaire…

[NB : Un grand merci aux éditions de L’Homme sans nom pour ce service presse fort sympathique ! Que le(s) Dieu(x) vous bénisse(nt) ;)]

« Les humains, par exemple, par nature portés sur les crasses en tous genres: comment bosser avec ça? Comment viser les triples A ou même un score de paix juste honorable? Tout simplement impossible sans intervenir à tout-va. Alors oubliés, nos discrets « coups de pouce » pour guide les Hommes; c’est coups de coude, coups de boule, coups de pelle. Et bâches, et sales odeurs au fond des bois.»

Un joyeux bordel (de Dieu !)

Si je devais vous résumer ce livre à la manière du premier roman de l’auteur, je dirais : Planète Bleue, opération Bordel de Dieu, camionnette de laitier, Courier new, maintenance, bras-cassés, quiproquos, exil, pauvreté, preuve divine, poésie, Pépitos & Piškoty. Tiens, vous avez un partenariat chez Pépitos à L’Homme sans Nom ? Parce qu’après Carne ça commence à faire ! Trêve de plaisanterie, le roman nous propose un joyeux bazar que ne renierait pas Karim Berrouka, avec une équipe de personnages qui ne sont pas forcément des lumières mais qui brillent par leur bonhomie et, il faut le dire aussi, leur caractère de merde (on t’aime quand même Mitraillette !). Leur objectif ? Corriger le tir sur Terre pour éviter la révélation de la preuve de l’existence de Dieu qui risque de bousiller clairement le score de paix quand tous les croyants de la planète s’entredéchireront pour savoir qui avait raison. Et ce n’est pas gagné ! Voilà pour l’idée de base. Par là-dessus, Yann Bécu nous tisse un univers original et propose carrément une nouvelle mythologie de la création en y versant tout un tas de références aux mythes fondateurs du monde entier. Purement génial, le roman nous offre ainsi un joyeux bazar organisé qui touche au sujet sensible des religions à coups de pelle sans jamais devenir insultant puisque tout le monde en prend pour son grade. Mais qu’est-ce que c’est drôle ! Le sarcasme de ce roman, les perles sorties par les personnages, les interventions de Jaouen dans des inter chapitres hilarants font de cette lecture un moment jubilatoire sacrément bienvenue.

« Incroyable, cet Internet… Même le GPU de la grande époque des purges soviétiques n’aurait osé fantasmer pareille mine d’or, à l’oeil en plus.»

Une critique sociale

Derrière l’humour, Yann Bécu tacle joyeusement l’humanité et les dérives de la société moderne. De l’utilisation des nouveaux médias, notamment des réseaux sociaux, à l’effet de masse, l’auteur nous démontre avec humour les grandes failles de l’humain qui, en plus de ça, à la faiblesse de parfois tomber amoureux… la pire maladie qui soit ! Sarcastique, acerbe, le ton est volontairement piquant et porte à sourire quand il énonce des vérités évidentes. Jubilatoire, le roman tacle les personnages les plus détestables, qu’ils soient racistes ou simplement égoïstes à l’extrême, et met en avant les personnalités simples mais plus sincères de personnages rapidement attendrissants. Même Jaouen, l’inspecteur le plus lunaire qui soit, devient attachant. On passe à leur côté un franc moment de rigolade, et on termine la lecture sur un dernier éclat de rire qui conduit inévitablement au petit coup de cœur. On peut reprocher, peut-être, un manque de finesse, une critique sociale peut-être trop en surface, mais finalement c’était si bon qu’on s’en fiche un peu ! Notons également la qualité de l’objet livre avec une mise en page impeccable.

« -Sauvée par une Bible, Camille, tu te rends compte? Une Bible! Si c’est pas la preuve que le Bon Dieu existe!

-Une bible, une bible… La Bible du jardinage, Cerise, ce n’est pas non plus…»

En bref, L’effet coccinelle est l’assurance de passer un franc moment de rigolade avec des personnages bras-cassés attachants et un ton sarcastique jubilatoire. Drôle mais aussi piquant, ce roman critique l’humanité et le monde moderne tout en conservant un regard humoristique qui le rend très plaisant. Ce charmant bordel est intelligent, plus fin qu’il n’en a l’air et sa lecture nous fait passer un sacré bon moment ! Coup de cœur. * PS : On peut se fournir où des Piškoty ? C’est pour une expérience !*

« Le lancement de l’Homo Sapiens, c’était une idée pourrie. Génétiquement trop instable. Le service Créa avait prévenu dès le début. Ils préféraient de loin le projet Bonobo. Question score de paix, une vraie promenade ! Bonobo Sapiens, ça aurait signifié la résolution du moindre conflit par le sexe… Chantier pépère, en somme.

Tu parles ! Les boss du 33e étage n’avaient rien voulu entendre. L’Homo Sapiens c’était parfait pour eux : audacieux, vendeur, et tellement sexy sur le papier.

Sur le papier, peut-être, mais sur le Terrain…

Parce que nous autres on est les techniciens, les larbins de la création… « Les Boueux », comme ils disent en haut lieu. Siècle après siècle on patauge dans ces eaux crapoteuses. Et chaque fois qu’on prend possession d’un corps ici-bas, on en paie le prix : coups de chaud, coups de froid, coups de pompe, coups de blues, coups de foudre, toute la chimie humaine s’impose à nous… Alors forcément, il arrive qu’on gaffe.

Or notre récente bourde risque de coûter cher. Si on ne la rattrape pas très vite, l’humanité va droit dans le mur… 

Adieu, triple A.

Adieu, Homo Sapiens.

Et bonjour les sanctions. »

(Illustration de couverture: © François-Xavier Pavion)

[Diversité: ps gay, ps tzigane]

Alcool, Nourriture, Racisme

[Lecture n°49/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]

* Lecture pour le challenge ABC de l’Imaginaire 2021 de Mariejuliet : lettre B *