Celestopol 1922

Après un premier recueil intitulé Celestopol paru en 2017 aux éditions de l’Instant puis en poche en 2019 chez Libretto, Emmanuel Chastelliere nous embarque à nouveau pour la cité lunaire avec Celestopol 1922, second recueil (indépendant) de nouvelles paru cette fois aux éditions de L’Homme sans nom en mars dernier. N’ayant pas encore eu l’occasion de découvrir Celestopol, j’ai décidé de tenter directement l’aventure en 1922, et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Je remercie les éditions de l’Homme sans nom pour cet envoi.]

« Chaque geste compte, soyez-en convaincue. Et ce que l’on fait de bien pour nous joue aussi pour toutes les autres.»

Treize récits entremêlés

Celestopol 1922 (et, si j’ai bien compris, le premier recueil également) est un ensemble de nouvelles aux styles divers et aux ambiances différentes, qui s’entremêlent en un tout. Certains personnages sont récurrents, que ce soit en place centrale à l’intrigue ou en personnage secondaire, certains éléments des nouvelles ont effet sur les suivantes et l’ensemble s’articule autour de la vraie héroïne de ces histoires: la cité de Celestopol. Cité lunaire uchronique majestueuse et tournée vers l’essor des sciences et des arts, Celestopol est envoûtante. Mais elle est aussi le berceau d’inégalités, de luttes intestines, elle est ponctuée de révoltes écrasées, de complots internationaux et de pauvreté balayée sous le tapis. On y croise de nombreuses personnalités historiques réelles et l’ensemble du recueil démontre un grand travail à la fois historique et imaginatif de la part d’un auteur décidément bien talentueux. Captivante, la découverte de la cité sélénite au fur et à mesure des différents textes est un vrai plaisir et je comprends parfaitement l’enthousiasme,  lors de l’annonce de cette nouvelle sortie, de celles et ceux qui avaient eu l’occasion de la découvrir précédemment. Moi-même, je me plongerai avec délice dans le premier recueil. Heureusement, Celestopol 1922 est bien indépendant et m’a permise de faire mes premiers pas sur la Lune sans avoir le sentiment d’être perdue. Je suis certainement passée à côté de références et je découvrais des personnages probablement déjà connus des autres, mais hormis une ou deux nouvelles avec quelques zones plus floues, l’ensemble m’a paru parfaitement accessible et passionnant. 

« Pour un automate tel qu’Ajax, le temps était une donnée tout sauf abstraite, une matière faite de chiffres froids. L’athlète venait de changer ce triste constat: pour la première fois le majordome comprenait qu’une heure pouvait se cacher dans une minute.»

Du romantisme slave au coeur de différentes genres

Emmanuel Chastelliere réussit brillamment à maintenir une unité dans un recueil aux textes pourtant très différents. L’auteur adapte en effet son écriture et son ambiance selon le sujet et/ou les personnages de chaque histoire, nous faisant ainsi passé de récits policiers (par exemple avec Une nuit à l’opéra Romanova, passionnante nouvelle téléchargeable sur le site de l’éditeur) à des textes mélancoliques très typiques d’un romantisme slave (comme l’envoûtant Memento Mori ou le superbe texte Sur la glace) en passant par des nouvelles plus fantastiques et étranges (comme La malédiction du pharaon qui a des allures lovecraftiennes ou Le correcteur de fortune qui m’évoque du Buzatti). C’est très riche, toujours très bien écrit et ça s’assemble de manière intelligente au coeur de cette ville étonnante qui rassemble les récits. Alors évidemment, selon les styles et selon les sujets, chacune et chacun trouvera des textes qui les emporteront plus que d’autres. Mon coeur s’est particulièrement enthousiasmé pour de nombreux textes comme Le revers de la médaille, nouvelle féministe, ou encore pour Mon rossignol bien qu’elle m’ait donné des accès de rage. D’autres textes ont moins bien fonctionné, parce que volontairement dérangeants comme Katarzyna, au twist final pourtant palpitant, ou désarçonnants comme Danser avec le chaos dont je pense ne pas avoir saisi tout le sens. Il n’empêche que l’ensemble est plutôt brillant et que je parcourrai les canaux et venelles de Celestopol à nouveau avec grand plaisir. Notons enfin que l’objet livre est vraiment très beau! La couverture de Marc Simonetti est une merveille, ainsi que la carte d’Olivier Sanfilippo bien que son emplacement en fin d’ouvrage en retarde la découverte. 

En bref, Celestopol 1922 est un recueil passionnant qui nous emmène au coeur d’une cité lunaire étonnante pour une uchronie riche et foisonnante. Treize textes de qualité qui s’entremêlent intelligemment au coeur de cette bulle sélénite à l’ambiance à la fois mélancolique et fascinante. L’ensemble s’articule en unité malgré une belle diversité de genres et de styles et peut tout à fait se lire indépendamment du premier recueil. Une belle réussite qui me donne envie de parcourir Celestopol encore et encore.

« Une année à la découverte des mirages et des merveilles de la cité sélène, joyau de l'âme slave arraché à la Terre, entre les mains d'un duc au destin défiantle cours du temps.  

Une année où croiser dans ses rues Marie Curie, l'archiduc François-Ferdinand ou Howard Carter, mais aussi humbles ouvriers, voleur volubile ou automates au cœur de cuivre. Entre ruines lunaires à explorer, un championnat du monde d'échecs à préparer ou des complots à déjouer... 

Les canaux ambrés de la ville n'ont pas fini de vous dévoiler ses secrets ! »

(Illustration de couverture: © Marc Simonetti)

D’autres avis sur cette édition dans la blogosphère: Au pays des cave trolls, Le syndrome Quickson, La geekosophe, Just a word, Les pipelettes en parlent, …

[Diversité: pp gay, pp asiatique - chinois.e, ps asiatique chinoi.se, ps arabe - turc.que]

Alcool, Classisme, Cruauté animale, Deuil, Homophobie, Harcèlement, Meurtre, Mort, Racisme, Relation toxique, Sang, Sexe, Suicide, Tromperie, Viol

[Lecture n°32/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]

- Lecture pour le Challenge #HMSFFF - Avril 2021: Nouvelles -

* Lecture pour le challenge ABC de l’Imaginaire 2021 de Mariejuliet : lettre C *