Abimagique

Le 29 août dernier, les éditions Le Bélial’ publiait une novella inédite de Lucius Shepard en français qui s'intitule Abimagique. Cette nouvelle parution pour la collection Une Heure-Lumière était plus que tentante tant j’avais apprécié découvrir l’auteur l’an dernier avec Les attracteurs de Rose Street, également paru dans cette collection. Profitant de l’excuse de l’opération 2 titres Une Heure-Lumière achetés, un hors-série offert, j’ai donc jeté mon dévolu sur Abimagique et voici ce que j’en ai pensé…

« Tu commences à comprendre que c’est ainsi que fonctionne votre relation, qu’elle fonctionnera probablement toujours ainsi: elle te cède le contrôle lorsque le contrôle cesse d’être un enjeu. »

Tu es pris à parti dans cette histoire

Cette novella fantastique est écrite de manière assez originale puisque la narration est entièrement faîte à la seconde personne du singulier. L’auteur, en nous tutoyant, nous inclut dans son histoire et fait de nous le personnage principal confronté à l’étonnante, envoûtante et déstabilisante Abimagique. Impossible bien sûr d’intervenir sur les décisions et les pensées du personnage malgré notre incarnation dans ce « Tu » ce qui nous oblige à nous confronter à ses peurs et à entrer dans la jeu de sa fascination. Si quelques lecteurs risquent d’être frustrés par ce carcan qui nous immerge sans nous laisser agir, j’y ai vu pour ma part la parfaite transposition du pouvoir d’Abi sur notre personnage qui perd le contrôle. Et ce côté « enfermé » dans la peau d’un être en proie à ses doutes et ses cauchemars fait que certaines scènes ont alors un petit côté oppressant maîtrisé de bout en bout grâce au maintien constant d’une aura de mystères et d’une ambiance perturbante. Point vraiment d’horreur cependant (hormis une scène assez marquante), si ça peut rassurer les plus frileux d’entre vous. On est ici, comme dans Les attracteurs de Rose Street, plutôt dans un récit d’ambiance.

« Après t’être adapté au régime d’Abi, tu t’es adapté à ses façons et tu ne te crois pas capable d’être opérationnel sans elles. Peut-être, tout simplement, que tu es allé trop loin - que tu es trop parti - pour quitter le navire. Tu es à bord d’un canoë au sommet d’une cataracte, pile au sommet ; vouloir nager maintenant est ridicule. »

Et te voilà complètement envouté

La plume de Lucius Shepard est diablement efficace, emportant le lecteur (même contre son  gré) dans un récit à l’image du personnage d’Abimagique: troublant, fascinant et perturbant. Tout le monde ne sera peut-être pas convaincu par les idées de l’auteur mais il est impossible de renier la force visuelle de son écriture. En quelques lignes, Abi nous apparaît et nous envoûte et il devient alors impossible de faire marche arrière. Sachez enfin que ce récit fantastique pur s’achève sur une fin ouverte plutôt frustrante mais aussi très ingénieuse, nous laissant ainsi dans cette ambiance mystérieuse et troublante longtemps après la lecture. Là encore, ça ne plaira sans doute pas à tout le monde mais ça a, personnellement, finit de me convaincre de la qualité de cette novella.

En bref, Abimagique est un récit fascinant et dérangeant qui nous emporte, même contre notre volonté, dans une histoire fantastique aussi envoûtante que dangereuse. Une novella de grande qualité qui illustre parfaitement la capacité de Lucius Shepard à nous immerger dans une ambiance finement travaillée. 

« Elle a pour nom Abi — diminutif d’Abimagique. Elle est volupté, sensualité, violence aussi, parfois.  Le monde court à sa perte, elle en est convaincue, maiselle dit avoir le pouvoir de sauver ce qui peut l’être… Elle est impénétrable. Possible qu’elle soit Cybèle, Magna Mater, femme sorcière tellurique. Possible aussi que le temps soit venu ; celui du sacrifice… »

(Illustration de couverture: © Aurélien Police)

- Lecture pour le Challenge #HMSFFF - Octobre 2019: magie -

* Lecture #PumkinAutumChallenge : Menu « Automne douceur de vivre »  - Catégorie « Un cinnamon roll et un chaï latte, à emporter s’il vous plaît! » *