Les meurtres de Molly Southbourne

Lauréat du Prix Nommo 2018 dans la catégorie novella, et finaliste pour deux autres prix prestigieux, Les meurtres de Molly Southbourne est un récit horrifique de Tade Thompson paru en 2017 en version originale. Il constitue le numéro 18 de la superbe collection Une Heure-Lumière des éditions Le Bélial’ depuis le 18 avril dernier et si je l’avais déjà repéré dès son annonce (en même temps, regardez cette couverture sublime d'Aurélien Police!), c’est l’avis de Maks du blog Un bouquin sinon rien qui aura achevé de me faire craquer. Voici ce que j’en ai pensé…

« J’ai mal quand je respire, quand je retiens mon souffle, quand je pense. Le tissu de mes vêtements me râpe la peau. Je ferme les yeux pour soulager mes paupières, puis je les rouvre parce que j’ignore totalement où je suis. »

Un récit profondément dérangeant

Sans ne rien vous dévoiler de son intrigue, cette novella de Tade Thompson tient plutôt du registre de l’horreur et présente quelques aspects très dérangeants, de nombreux moments sanglants et un sentiment oppressant quasi permanent. Bref, ça avait tout pour me ravir! Revisitant le mythe du double maléfique, sous un angle assez original, ce récit surprend et envoûte son lecteur autant qu’il peut le mettre mal à l’aise. J’ai été rapidement accrochée à cette histoire pour ma part, intriguée par les nombreux mystères autour de la vie de Molly Southbourne, mais aussi captivée par l’horreur qui s’y déroule. L’idée de base est vraiment bonne, angoissante sur bien des aspects, certes, mais palpitante. Il y a une tension permanente dans cette intrigue, tension qui ne s’embarrasse nullement d’un style littéraire très détaillé ou lyrique. En effet, cette novella est écrite de façon quasi clinique, un peu détachée, foncièrement perturbée. Si j’ai été, pour ma part, plutôt dérangée par cette plume que je n’appréciais guère, je comprends, avec le recul, le choix de l’auteur et je conçois que cela puisse correspondre à la personnalité troublée et troublante de Molly qui nous raconte son histoire.

« Si jamais tu vois une petite fille qui te ressemble, cours. Si tu ne peux pas courir, bats-toi. On s’en occupera, ta mère ou moi, dès qu’on sera là. Mais cours et crie très fort. Tu as compris?

- Si je vois une autre Molly, je cours, je crie et je me bats.

- Oui.

- Papa?

- Quoi?

- Je ne sais pas me battre.

- On va arranger ça. »

Une grande richesse mais quelques manques

A chaque novella que je lis, notamment dans cette collection de pépites chez Le Bélial’, je suis bluffée de la capacité des auteurs à intégrer autant dans un volume si réduit de pages. Les meurtres de Molly Southbourne ne fait pas exception, abordant de nombreux thèmes et nous interrogeant sur divers aspects en une centaine de pages. C’est assez riche, y compris en références littéraires, références qui parsèment le récit mais qui y sont aussi mises à l’honneur en hommage (c’est notamment le cas avec Frankenstein, très présent ici). Il y a aussi beaucoup de non-dits qu’il convient de saisir au vol à la lecture et que l’adaptation cinématographique prévue devrait mettre en avant. Malgré cette multitude, il m’a aussi manqué certains éléments. J’aurai par exemple souhaité plus d’explications, explications qui ont été présente dans les différentes versions écrites par l’auteur mais non retenues au final. Je regrette aussi que les très nombreuses ellipses, qui renforcent l’aspect très clinique de l’écriture, entraînent parfois un sentiment de confusion. Le récit contient enfin  au moins une incohérence mineure qui a réellement entaché mon plaisir de lecture. Mais dans l’ensemble j’ai encore une fois beaucoup apprécié cette découverte 

En bref, Les meurtres de Molly Southbourne est une novella assez perturbante, oppressante, mais aussi captivante. Et si ce n’est pas, pour moi, le meilleur titre de la collection Une Heure-Lumière (qui reste L’homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu), c’est sans contexte un très bon récit, qui se lit sans peine et qui ravira les amateurs d’horreur.

« Molly est frappée par la pire des malédictions. Aussi les règles sont-elles simples, et ses parents les lui assènent depuis son plus jeune âge.

Si tu vois une fille qui te ressemble, cours et bas-toi.
Ne saigne pas.
Si tu saignes, une compresse, le feu, du détergent.
Si tu trouves un trou, va chercher tes parents. 

Molly se les récite souvent. Quand elle s’ennuie, elle se surprend à les répéter sans l’avoir voulu… Et si elle ignore d’où lui vient cette terrible affliction, elle n’en connaît en revanche que trop le prix. Celui du sang.»

(Couverture: © Aurélien Police)

[Lecture n°30/36 (pour l'échelon 3) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 7 de Ma Lectorutothèque]