Artémis

Après l’énorme succès de Seul sur mars, son auteur, Andy Weir a publié en 2017 un nouveau thriller spatial, mais cette fois dans un registre plus action que survivaliste, intitulé Artémis. Traduit et publié en français par les éditions Bragelonne en ce début d’année 2018, il m’a clairement tapé dans l’oeil et les avis très positifs de blogueuses comme Anaïs serial lectrice ou Lucille de L’oeil de Luciole (qui n’aiment pourtant pas les « trucs dans l’espace ») m’ont certainement poussé à craquer. Voici ce que j’en ai pensé…

« Pas facile de courir avec cent kilogrammes de matériel sur le dos, même dans la pesanteur lunaire, mais vous seriez étonné de voir comment on peut cavaler quand sa vie en dépend. »

Un univers captivant et une héroïne piquante

Andy Weir place l’action de ce roman dans notre futur, sur la Lune, où s’est créé une ville habitée: Artémis. J’ai adoré les idées qu’il a avancé à ce sujet, j’ai trouvé cette ville crédible, logique et son existence plausible. Avec quelques détails techniques, mais sans devenir un manuel de sciences physiques, Artémis prend forme et le lecteur s’y immerge aisément. On y croit, et c’est absolument essentiel pour que la lecture soit si aisée, si fluide, et autant accessible à ceux qui « n’aiment pas les trucs dans l’espace », qu’à ceux qui apprécient le genre. Andy Weir a trouvé un juste milieu et son univers est plein de très bonnes idées. C’est dans cette cité lunaire que nous suivons le personnage principal: Jazz. Jazz est une jeune fille très rentre dedans, aux punchlines assez piquantes, et au caractère de cochon, mais qui cache aussi beaucoup plus sous sa carapace de « rien à foutre ». J’ai eu un peu de mal à accrocher au départ avec elle, et la narration interne nous obligeant à nous la coltiner m’a légèrement fait peur. Puis l’attachement est venu, de façon assez sournoise. J’y ait même retrouvé un petit aspect Shaun de la série Feed (qui vous le savez est une série coup de coeur) et donc j’ai fini par l’adorer. Elle apporte au récit un côté très vif, un brin acide mais toujours dynamique, qui emballe le rythme de lecture. Les personnages secondaires sont eux aussi intéressants, mais le choix narratif nous empêche de plus les creuser malheureusement. J’ai une petite préférence pour le père de Jazz qui, dans ces quelques petites apparitions, m’a beaucoup touché. Enfin, l’intrigue est passionnante avec beaucoup de moments de tension, un soupçon de stress plus intense sur le dernier quart du roman et quelques bons rebondissements qui redonnent à chaque fois au lecteur sa petite piqûre d’addiction. 

« -Alors? l’encourageais-je. 

- D’accord, faisons-le, répondit-elle en regardant droit devant elle. Foutons ces connards en l’air. »

Un roman très efficace

Si la lecture s’est fait sans peine, cependant, ce roman n’est pas tout à fait ce que j’en attendais au vu de la couverture sombre et de l’idée « thriller sur la Lune ». J’étais partie dans une optique de thriller angoissant, avec cette idée que personne ne vous entend crier dans l’espace, mais je me suis retrouvé avec un roman, certes plein de suspens, mais aussi très pétillant. Artémis n’est pas vraiment sombre, ni même vraiment oppressant, il est juste parfaitement efficace avec un rythme dynamique, des personnages un brin cyniques, très franc du collier, et une écriture fluide. Et pourtant, dans certains passages, notamment quand Jazz est seule dans sa combinaison en extérieur, l'oppression aurait pu se faire sentir, mais elle est contrebalançée par des réflexions piquantes de la narratrice. Il est vrai que certains éléments de l’intrigue sont maladroits, certains mal utilisés (je pense aux échanges avec Kelvin), il y a aussi des fautes de frappe/d’orthographe qui trainent, mais la lecture n’est jamais entravée par un obstacle insurmontable. Les pages se dévorent les unes après les autres et tous les petits défauts que peut contenir le récit (et ils sont tout de même nombreux) s’oublient rapidement, ou tout du moins n’entravent pas le plaisir. J’ai un peu eu l’impression de visionner un bon gros film hollywoodien bourré d’actions, avec des blagues de temps à autre et une intrigue plutôt sympa. Et je comprends, du coup, que même les lecteurs non habitués à de la SF puissent apprécier ce récit, car il reprend les codes de ce qui fonctionne pour le grand public dans les grosses productions d’aujourd’hui. Alors oui, j’ai été vraiment embarquée mais je reste tout de même sur un léger regret. L’idée de base est tellement bonne, il y avait vraiment moyen de créer un récit oppressant dans cette ville lunaire, et c’est assez frustrant de ne pas voir exploité cet aspect-là. 

En bref, Artémis est un roman ultra efficace qui plaira aux novices comme aux amateurs de la SF par son intrigue bien menée, son univers crédible, son rythme dynamique et son héroïne charismatique. Il contient malgré tout de nombreux petits défauts et aurait pu devenir absolument génial en partant vers un autre registre… dommage. 

« Jazz n’a pas demandé à devenir une héroïne. Elle voulait juste être riche. Pas riche comme tous ces milliardaires qui visitent Artémis, sa ville, la seule colonie humaine de l’espace. Mais assez riche pour dormir dans un vrai lit et manger autre chose qu’une infâme bouillie d’algues. Alors, Jazz a saisi sa chance. Certes, elle a mis son intelligence et ses compétences au service du crime – au menu : contrebande, mécanique et explosions en tout genre. Mais mission accomplie !

Le problème, c’est que, sans le savoir, Jazz a pris part à une conspiration qui menace la sécurité d’Artémis. Et ça, Jazz ne peut pas laisser faire. Poursuivie par un tueur et désormais hors-la-loi, elle doit inventer le plan le plus génial de tous les mondes si elle veut sauver sa peau…»

(Illustration de couverture : © Will Staehle d’après Shutterstock)